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autre chose que ton souan-pan ; ceci ne peut pas se tromper. Quand tous les calculateurs du monde feraient cette opération, quand on y travaillerait la vie entière, on ne trouverait jamais autre chose que ceci ; on trouverait toujours qu'il nous manque encore mille sapèques.

Les gens de la boutique étaient très-embarrassés ; ils commençaient déjà à rougir, lorsqu'un étranger, qui comprit que l'affaire prenait une fâcheuse tournure se posa comme arbitre. Je vais vous compter cela, dit-il. Il prit le souan-pan, et son calcul s'accorda avec le nôtre. L'intendant de la banque nous fit alors une révérence profonde. — Seigneurs Lamas, nous dit-il, vos mathématiques valent mieux que les miennes. — Non, ce n'est pas cela ; ton souan-pan est excellent ; mais où a-t-on jamais vu un calculateur qui ne commette jamais d'erreur ? Toi, tu peux te tromper une fois ; mais nous autres gens mal habiles nous nous trompons dix mille fois. Aujourd'hui, si nous avons rencontré juste, c'est un bonheur... Ces paroles, en pareille circonstance, étaient rigoureusement exigées par la politesse chinoise. Quand quelqu'un s'est compromis, on doit éviter de le faire rougir, ou, en style chinois, de lui enlever la face.

Après que nos paroles eurent mis à couvert toutes les figures, chacun se jeta avec empressement sur le morceau de papier où nous avions dessiné quelques chiffres arabes. Voilà qui est un fameux souan-pan, se disaient-ils les uns aux autres ; c'est simple, sûr et expéditif. — Seigneurs Lamas, que signifient ces caractères ? Qu'est-ce que c'est que ce souan-pan  ? — Ce souan-pan est infaillible, ces caractères sont ceux dont se servent les Mandarins de la littérature