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aller dîner chez vous ;... cela est bien de votre part, mais il est bien aussi de la nôtre de ne pas accepter. Aller ainsi dîner chez le monde, sans être lié par de longs rapports, cela n'est pas conforme aux rites de la nation chinoise, cela est également opposé aux mœurs de l'occident... Ces paroles, prononcées avec gravité, désillusionnèrent complètement nos industriels. — Si pour le moment nous n'allons pas dans votre boutique, ajoutâmes-nous, veuillez nous excuser auprès de votre maître ; remerciez-le des attentions qu'il a eues pour nous. Avant de partir, peut-être nous aurons quelques achats à faire, et alors ce sera pour nous une occasion d'aller vous rendre visite. Maintenant nous allons prendre notre repas au restaurant turc qui est ici tout près. — C'est bien, dirent-ils d'un accent un peu dépité, c'est bien ; ce restaurant est excellent... A ces mots, nous nous levâmes et nous sortîmes tous ensemble ; nous, pour aller dîner en ville, eux pour aller rendre compte au chef de leur boutique de la pitoyable issue de leur intrigue ; nous, riant beaucoup de leur désappointement, eux fort contristés d'avoir si mal réussi dans leur manège.

Il n'est rien d'inique et de révoltant comme le trafic qui se fait entre les Chinois et les Tartares. Quand les Mongols, hommes simples et ingénus, s'il en fut jamais, arrivent dans une ville de commerce, ils sont aussitôt entourés par des Chinois qui les entraînent comme de force chez eux. On leur prépare aussitôt du thé, on dételle leurs animaux, on leur rend mille petits services, on les caresse, on les flatte, on les magnétise en quelque sorte. Les Mongols, qui n'ont pas de duplicité dans le caractère, et qui n'eu soupç