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c'est bien. Vous avez fait route en paix ;... ah ! c'est bien. Vos chameaux sont magnifiques ; vous avez dû voyager promptement et heureusement. Enfin vous êtes arrivés, c'est bien... Se-Eul, dit-il à l'estafier qui s'était le premier emparé de nous, tu conduis ces nobles Tartares dans une auberge ; c'est bien. Prends bien garde que l'auberge soit bonne ; il faut les conduire à l'Auberge de l'équité éternelle. — C'est précisément là que nous allons. — A merveille ; l'aubergiste est un de mes grands amis. Il ne sera pas inutile que j'y aille ; je recommanderai bien ces nobles Tartares. Tiens, si je n'y allais pas, j'aurais quelque chose qui me pèserait sur le cœur. Quand on a le bonheur de rencontrer des frères, il faut bien leur être utile ; n'est-ce pas, Messeigneurs, que nous sommes tous frères ? Voyez-vous nous deux, — et il montrait son jeune partner, — nous deux, nous sommes commis dans la même boutique : nous sommes accoutumés à traiter les affaires des Tartares. O ! c'est bien avantageux dans cette misérable Ville-Bleue, que d'avoir des gens de confiance !

A voir ces deux personnages avec toutes leurs manifestations d'un inépuisable dévouement, on les eût pris pour des amis de vieille date. Mais malheureusement pour eux, nous étions un peu au fait de la tactique chinoise, et nous n'avions pas dans le tempérament toute la bonhomie et toute la crédulité des Tartares. Nous demeurâmes donc convaincus que nous avions affaire à deux industriels, qui se préparaient à exploiter l'argent dont ils nous croyaient chargés.

A force de regarder de tout côté, nous aperçûmes une enseigne, où était écrit en gros caractères chinois : Hôtel des trois perfections,