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et quelquefois leur long séjour dans les garnisons des provinces, commençaient à donner de terribles atteintes à leurs goûts et à leurs usages.

Quand les Mantchous ont eu conquis la Chine, ils ont en quelque sorte imposé aux vaincus une partie de leur costume et quelques usages (1)[1]. Mais les Chinois ont fait plus que cela ; ils ont su forcer leurs conquérants à adopter leurs mœurs et leur langage. Maintenant on a beau parcourir la Mantchourie jusqu'au fleuve Amour, c'est tout comme si on voyageait dans quelque province de Chine. La couleur locale s'est complètement effacée ; à part quelques peuplades nomades, personne ne parle le mantchou ; et il ne resterait peut-être plus aucune trace de cette belle langue, si les empereurs Khang-Hi et Kien-Loung ne lui avaient élevé des monuments impérissables, et qui fixeront toujours l'attention des orientalistes d'Europe.

Autrefois les Mantchous n'avaient pas d'écriture particulière ; ce fut seulement en 1624 que Tai-Tsou-Kao-Hoang-Ti, chef des Tartares orientaux, chargea plusieurs savants de sa nation de dessiner des lettres d'après celles des Mongols. Plus tard, en 1641, un lettré plein de génie, nommé Tahai, perfectionna ce premier travail, et donna à l'écriture mantchoue tout le degré de finesse, d'élégance et de clarté qu'on lui voit aujourd'hui.

Chun-Tché s'occupa de faire traduire les chefs-d'œuvre de la littérature chinoise. Khang-Hi établit une académie de savants, également versés dans le chinois et dans le tartare. On s'y occupait avec ardeur et persévérance de la

  1. (1) On sait que l'usage de fumer le tabac et de tresser les cheveux vient des Tartares-Mantchous.