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continuellement un aspect mélancolique et triste. Jamais un ruisseau, jamais même une petite source d'eau pour animer cette solitude ; jamais un arbre qui en interrompe la monotonie. Aussitôt qu'on est arrivé sur la cime des monts Kougour, qui bornent à l'occident les Etats du Guison-Tamba, la nature change complètement de face. De toute part, ce sont des vallons pittoresques et animés, des montagnes rangées en amphithéâtre, et couronnées de forêts aussi anciennes que le monde. Le fond d'une grande vallée sert de lit au fleuve Toula qui, ayant pris sa source dans les monts Barka, coule longtemps d'orient en occident, arrose les plaines où paissent les troupeaux de la lamaserie ; puis, après avoir fait un coude au-dessus du Kouren, va s'enfoncer dans la Sibérie, et se perdre enfin dans le lac Balkal.

La lamaserie est bâtie au nord du fleuve, sur les vastes flancs d'une montagne. Les divers temples où demeurent le Guison-Tamba et plusieurs autres grands Lamas, se font remarquer par leur élévation et par les tuiles dorées dont ils sont recouverts. Trente mille Lamas vivent habituellement dans cette grande lamaserie, ou dans celles des environs, qui en sont comme les succursales. Au bas de la montagne, la plaine est incessamment couverte de pavillons de grandeur différente, où séjournent les pèlerins jusqu'à ce que leur dévotion soit satisfaite. C'est là que se rendent pêle-mêle tous les adorateurs de Bouddha, venus des contrées les plus éloignées. Les U-Pi-Ta-Dze ou Tartares aux peaux de poisson y plantent leurs tentes à côté des Torgot, descendus du sommet des saintes montagnes (Bokte-Oula). Les Thibétains et les Péboum des Hymalaya,