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et pour des raisons approuvées des supérieurs, continuent d'avoir part aux distributions d'argent et de vivres qui se font pendant leur absence. A. leur retour ils reçoivent fidèlement tout ce qui leur revient. On doit sans doute attribuer aux faveurs impériales cet air d'aisance qu'on rencontre partout dans la lamaserie de Tchortchi. Les habitations y sont propres, quelquefois même élégantes ; et jamais on n'y voit, comme ailleurs, des Lamas couverts de sales haillons. L'étude de la langue mantchoue y est très en honneur : preuve incontestable du grand dévouement de la lamaserie pour la dynastie régnante.

A part quelques rares exceptions, les largesses impériales entrent pour bien peu de chose dans la construction des lamaseries. Ces monuments grandioses et somptueux, qu'on rencontre si souvent dans le désert, sont dus au zèle libre et spontané des Mongols. Si simples et si économes dans leur habillement et dans leur vivre, ces peuples sont d'une générosité, on peu même dire d'une prodigalité étonnante, dès qu'il s'agit de culte et de dépenses religieuses. Quand on a résolu de construire quelque part un temple bouddhique entouré de sa lamaserie, les Lamas quêteurs se mettent aussitôt en route, munis de passeports qui attestent la légitimité de leur mission. Ils se distribuent les royaumes de la Tartarie, et vont de tente en tente demander des aumônes au nom du vieux Bouddha. Aussitôt qu'ils sont arrivés dans une famille, et qu'ils ont annoncé le but de leur voyage, en montrant le bassin bénit où on dépose les offrandes, ils sont accueillis avec joie et enthousiasme. Dans ces circonstances, il n'est personne qui se dispense de donner : les riches déposent dans le badir (1)[1]

  1. (1) C'est le nom du bassin dont se servent les Lamas pour demander l'aumône.