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le prix, lorsqu'un Chinois se présenta sur l'arène. Il était maigre, de petite taille, et semblait de toute façon n'être propre qu'à augmenter le nombre des victoires du lutteur tartare. Il s'avança cependant d'un air ferme et assuré, et le Goliath du royaume de Éfe se préparait déjà à l'étreindre de ses bras vigoureux, lorsque le Chinois, qui avait la bouche remplie d'eau, la lui cracha inopinément au visage. Le premier mouvement du Tartare fut de porter les mains à ses yeux pour se débarbouiller ; mais le rusé Chinois, l'ayant saisi brusquement au corps, lui fit perdre l'équilibre, et le terrassa, au milieu des éclats de rire de tous les spectateurs.

Ce trait nous a été raconté par un cavalier tartare qui voyagea quelque temps avec nous, pendant que nous traversions le royaume de Éfe. Chemin faisant, il nous faisait remarquer çà et là dans le lointain, des enfants qui jouaient à la lutte. C'est l'exercice favori de tous les habitants de notre pays de Éfe, nous disait-il ; chez nous on n'estime que deux choses dans un homme, savoir bien aller à cheval, et être fort à la lutte. Nous rencontrâmes une troupe d'enfants, qui s'exerçaient à la gymnastique sur les bords du sentier que nous suivions ; nous pûmes les examiner à loisir de dessus nos montures, et leur ardeur redoubla bientôt quand ils s'aperçurent que nous les regardions. Le plus grand de la troupe, qui ne paraissait pas avoir plus de huit à neuf ans, prit entre ses bras un de ses camarades, presque de même taille que lui, et tout rond d'embonpoint ; puis il s'amusa à le jeter au-dessus de sa tête et à le recevoir entre ses mains, à peu près comme on ferait d'une balle. Il répéta sept à huit fois le même jeu ;