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Quelques Tartares voulurent nous accompagner un instant pour nous témoigner leur reconnaissance.

On a déjà dit que la médecine était exclusivement exercée en Tartarie par les Lamas. Aussitôt qu'une maladie se déclare dans une famille, on court à la lamaserie voisine inviter un médecin. Celui-ci se rend auprès du malade, et commence par lui tâter le pouls ; il prend simultanément dans chacune de ses mains les poignets du malade, et promène ses doigts sur les artères, à peu près comme les doigts du musicien courent sur les cordes d'un violon. La manière chinoise diffère de celle-ci, en ce que les docteurs chinois latent le pouls successivement sur les deux bras, et non pas en même temps. Quand le Lama a suffisamment étudié la nature de la maladie, il prononce sa sentence. Comme d'après l'opinion religieuse des Tartares, c'est toujours un Tchutgour, ou diable, qui tourmente par sa présence la partie malade, il faut avant tout préparer par un traitement médical l'expulsion de ce diable. Le Lama médecin est en même temps apothicaire ; la chimie minérale n'entre pour rien dans la préparation des spécifiques employés par les Lamas : les remèdes sont toujours composés de végétaux pulvérisés, qu'on fait infuser ou coaguler, et qu'on arrondit en forme de pilule. Quand le petit magasin des pilules végétales se trouve vide, le docteur Lama ne se déconcerte pas pour cela ; il inscrit sur quelques petits morceaux de papier, avec des caractères thibétains, le nom des remèdes, puis il roule ce papier entre ses doigts, après l'avoir un peu humecté de sa salive : le malade prend ces boulettes avec autant de confiance que si c'étaient de véritables pilules. Avaler le nom du remède, ou le remède lui-même,