Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/120

Cette page n’a pas encore été corrigée

long discours à ces pauvres gens ; plongés dans la douleur et préoccupés de leur malade, ils ne pouvaient prêter à nos paroles qu'une faible attention. Nous retournâmes donc dans notre tente pour prier ; le chef de la famille nous y accompagna. Dès qu'il eut aperçu notre bréviaire : Sont-ce là, nous dit-il, ces toutes puissantes prières de Jéhovah dont vous avez parlé ? — Oui, lui répondîmes-nous ; ce sont les seules véritables prières, les seules qui puissent sauver. — Il nous fit alors à chacun une prostration, en frappant la terre du front ; puis il prit notre bréviaire, et le fit toucher à sa tête, en signe de respect. Pendant tout le temps que dura la récitation des prières, le Tartare demeura accroupi à l'entrée de notre tente, gardant un profond et religieux silence. Quand nous eûmes terminé, il nous fit de nouveau une prostration. — Saints personnages, nous dit-il, comment reconnaître le bienfait immense que vous venez de m'accorder ? Je suis pauvre, je ne puis vous offrir ni cheval ni mouton. — Frère mongol, lui dîmes-nous, conserve ton cœur en paix ; les prêtres de Jéhovah ne doivent pas réciter leurs prières pour obtenir des richesses ; puisque tu n'es pas riche, reçois de nous cette légère offrande ; et nous lui donnâmes un fragment de thé en brique. Le Tartare fut profondément ému de ce procédé. Il ne put proférer une parole ; quelques larmes de reconnaissance furent sa seule réponse.

Le lendemain matin nous apprîmes avec plaisir que l'état de la malade s'était amélioré. Nous aurions bien voulu pouvoir demeurer encore quelques jours dans cet endroit, afin de cultiver le germe de foi qui avait été déposé au sein de cette famille ; mais nous dûmes continuer notre route.