Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec empressement, et les docteurs étrangers furent bientôt en grande réputation. Le gouverneur de la ville fut si satisfait de leur ouvrage qu’il leur envoya des lettres de félicitation. En Chine, ces lettres sont en quelque sorte des brevets richement enluminés et écrits avec un grand luxe de calligraphie. Les hauts personnages ont l’habitude d’en adresser à ceux qu’ils veulent honorer. Les jésuites firent afficher cet écrit dans leur oratoire, afin que les visiteurs et les cathécumènes pussent voir de leurs propres yeux combien ils étaient en faveur auprès des autorités du lieu.

Cette éclatante protection du gouverneur de Tchao-King n’exerçait pas cependant une bien grande influence sur la population chinoise ; elle était toujours hostile aux missionnaires. On les insultait, on affichait dans tous les carrefours des placards où on les représentait comme des hommes fourbes, ambitieux, comme des espions, des diables occidentaux ; car déjà à cette époque les Chinois avaient donné aux Européens cet insultant sobriquet. La tour Fleurie qui s’élevait dans le voisinage de la résidence des jésuites avait changé de nom, et on ne l’appelait plus que la tour des Étrangers. Par cette dénomination, on prétendait blâmer la conduite des magistrats, qui ne craignaient pas de favoriser des hommes dont la présence pouvait devenir inquiétante pour le pays.

Le P. Roger ayant été obligé de faire un voyage et un assez long séjour à Macao, les ennemis des missionnaires profitèrent de son absence pour les tourmenter et essayer de les faire chasser. Ils se persuadèrent que le P. Ricci étant demeuré seul avec quelques domestiques, il leur serait plus facile de venir