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vation au gouverneur qui leur répondit : « Cette place est uniquement pour votre maison. On s’occupe ici, vous le voyez, de la construction d’un grand et magnifique temple ; vous n’aurez donc pas besoin d’en élever un vous-mêmes. » En entendant ces paroles, les missionnaires comprirent aussitôt que le gouverneur avait l’intention de les constituer tout bonnement religieux et desservants d’une pagode. Ce n’était pas là évidemment le but de leur mission et de leur longue attente. Ils dirent au gouverneur : Nous autres hommes de l’Occident, nous n’adorons ni Bouddha, ni aucune idole nous ne reconnaissons qu’un seul vrai Dieu, le créateur et le souverain de tout ce qui existe, c’est le Tien-Tchou, le Seigneur du ciel. En entendant ces paroles, le premier magistrat de Tchao-King regarda les missionnaires avec étonnement, et comme ne comprenant rien à cette répugnance à suivre le culte usité parmi les Chinois. Il s’entretint un instant avec son assesseur et les membres de la commission des travaux publics ; puis se tournant vers le P. Roger, il lui dit : « Peu importe votre culte et votre volonté d’honorer le Tien-Tchou ; on achèvera la pagode et vous mettrez ensuite dedans tel Dieu qu’il vous conviendra[1]. Ces paroles expriment assez bien le scepticisme de mandarins, aux yeux desquels les religions de toute sorte sont également admissibles.

De peur qu’on eût la pensée de revenir sur cette concession, les jésuites se hâtèrent de mettre la main à l’œuvre ; ils firent immédiatement commencer les

  1. « Nihil admodum refert : fanum extruemus ; in illud deinde quas volueritis deorum effigies inferte. » (Trigault, lib. II. p. 164.)