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à avoir dans la ville de Tchao-King une église et une maison. Le P. Valignan fut le seul qui ne partageât pas l’enthousiasme général. Il fut tout interdit par cette nouvelle si inattendue : « Il s’en fallut peu, dit Trigault, qu’il ne laissât échapper cette occasion, si le consentement de tous les autres pères ne lui eut conseillé de la prendre au poil[1]. »

Le vice-roi était si impatient de revoir le P. Roger, ou plutôt de posséder l’horloge dont on lui avait parlé, qu’il expédia son secrétaire à Macao avec une jonque mandarine pour recevoir le missionnaire et le conduire avec honneur jusqu’à Tchao-King. On ne manqua pas de profiter avec empressement de ces précieuses avances. Le 18 décembre 1582, le P. Roger s’embarqua avec le P. François Pasio, un autre jésuite qui n’était pas encore prêtre et quelques jeunes Chinois. Le secrétaire du vice-roi fut étonné de le voir ainsi escorté tandis qu’on n’avait mandé que lui. Mais le P. Roger répondit que, comme religieux, il n’avait pas l’habitude d’aller seul, et qu’il avait dû amener deux membres de son ordre, l’un qui l’accompagnerait quand il irait voir le vice-roi, l’autre qui en son absence garderait la maison. Cette réponse fut acceptée, et la jonque mit à la voile avec cette petite colonie de missionnaires, qui emportait les vœux de tous les chrétiens de Macao.

Le vice-roi fut dans le ravissement en voyant fonctionner l’horloge que lui avaient apportée les religieux. Il dut penser sans doute, au fond de sa conscience de Chinois, que les hommes capables de fabriquer de telles merveilles n’étaient pas tout à fait aussi bar-

  1. Trigault, de l’Expédition chrétienne, etc., p. 126.