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brûlant tant de maisons, de villes, de forêts, en ravageant tant de campagnes, alla demander pardon à la puissante divinité de Badid. Celle-ci ordonna au grand coupable de se mettre à ses pieds, afin de recevoir la rémission de ses iniquités. Le feu se sentit si heureux de se trouver aux pieds de cette bienfaisante pagode qu’il s’y fixa définitivement, et dès lors la source d’eau qui jaillissait en cet endroit devint bientôt bouillante. Le P. d’Andrada crut devoir faire une objection à la merveilleuse théorie des religieux bouddhistes. Il leur demanda pourquoi le feu, après une si remarquable conversion, retombait encore si souvent dans les mêmes égarements ; pourquoi encore tant d’incendies dans le monde, si le feu était bien sincèrement contrit et repentant au pied de la pagode de Badid ? Cette objection fut loin d’embarrasser les lamas. Ils lui répondirent tout uniment que le feu qui dévastait encore le monde n’était que la quinzième partie de cet élément ; que les quatorze autres étaient subjuguées sous les pieds de Badid et que si, par malheur, elles s’en échappaient, on verrait bien autre chose dans l’univers en fait d’incendies.

Les lamas ajoutèrent que la pagode avait la vertu de transformer en or tous les métaux qu’on en approchait mais que cette transformation ne s’opérait plus actuellement, parce que la divinité, indignée de l’avarice d’un certain serrurier qui avait jeté une immense quantité de fer dans l’eau qui bouillonne à ses pieds, avait depuis lors supprimé le miracle. « Ils me racontèrent encore, dit d’Andrada, une foule d’impertinentes impostures de cette nature tout ce qu’il y a de certain, c’est que les religieux de ce monastère