Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de neige, sous lesquelles on entendait gronder avec fracas des torrents impétueux. Il est étonnant, dit d’Andrada, que les eaux, étant si fortes et si rapides, n’entraînent pas la neige. La montagne voisine, à la vérité, se décharge sur les torrents d’une partie de la neige qu’elle reçoit ; elle tombe si abondamment et s’accumule sur l’eau en telle quantité, qu’elle y forme des montagnes, avec des ouvertures, dispersées çà et là, par lesquelles on voit l’eau couler avec un bruit épouvantable. Le malheureux voyageur doit errer au-dessus de ces gouffres, sans pouvoir s’assurer de la solidité de la neige, au risque de voir à chaque instant sa tombe s’entr’ouvrir sous ses pas et l’engloutir tout vivant.

Un mois et demi après son départ de Sirinagar, la caravane rencontra la fameuse pagode de Badid, où se rendent en pèlerinage les dévots bouddhistes de toutes les contrées de l’Asie. Il y a dans le voisinage un vaste monastère pour les nombreux religieux de la contrée. La pagode Badid est bâtie au pied d’une montagne d’où sort une source d’eau bouillante qui se divise en trois canaux et va se jeter dans trois étangs d’eau froide. Le mélange des eaux forme un bain tiède où se plongent les pèlerins, avec la ferme persuasion que cette eau a la vertu de purifier l’âme de toutes ses souillures. Aussi entreprennent-ils de longs et périlleux voyages pour aller chercher dans ces bains si salutaires la rémission de leurs péchés.

Les religieux du monastère expliquèrent au P. d’Andrada l’origine de cette source d’eau bouillante. Ils lui dirent que jadis l’élément du feu, touché de repentir à la vue des crimes nombreux qu’il avait commis, en