Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de trente jours, jusqu’à ce que, estans arrivés à la première ville de la province de Canton, nous fusmes présentez au gouverneur, qui, après nous avoir aigrement repris de ce que nous avions esté si osez que de prescher une nouvelle loy à la Chine, nous mit entre les mains des mandarins, lesquels nous traisnèrent par tous les tribunaux avec un concours de peuple qui à peine est croyable, et nous jettèrent hors de leur ville pour prendre la route de Macao, où nous arrivasmes après quelques journées de chemin.

« Les chrestiens détenus en prison après nostre sortie, usez et demy morts des misères qu’ils avoient enduré, furent enfin condamnez, à soixante-dix coups de bâton chacun. Les deux frères, parce qu’ilz estoient naturels de la Chine, après avoir été cruellement battus, furent condamnez, l’un à servir les massons aux murailles des Tartares, et l’autre à tirer à la corde les vaisseaux de l’empereur, comme font les chevaux et les bœufs. On ne peut dire autre chose de tous les chrestiens, si ce n’est qu’ils tesmoignèrent universellement une grande constance, et firent paroistre sur leur visage, au grand étonnement des payens, le plaisir qu’ils sentoient dans leurs âmes de souffrir pour Jésus-Christ[1]. »

Les ennemis du christianisme qui avaient suscité cette violente persécution et obtenu la proscription générale des missionnaires furent cependant frustrés dans leur attente, car, excepté à Nanking et à Péking, les jésuites trouvèrent partout asile et secours chez les indigènes convertis. À Péking même, deux frères

  1. Alvarez Semedo, p. 325, 326.