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l’eau des tuyaux, rejaillist jusques aux pieds du juge. »

À l’exception du P. Semedo, que le délabrement de sa santé fit épargner, tous ces généreux confesseurs de la foi furent soumis à d’affreuses tortures et abîmés de coups ; on les traîna ensuite dans une hideuse prison, où on les laissa croupir durant trois mois, la chaîne au cou et aux pieds, sans qu’il fût permis à leurs parents et à leurs amis d’apporter le moindre soulagement à leur misère. Leur nourriture consistait en une petite ration de mauvais riz cuit à l’eau et en un peu d’herbes sans assaisonnement. Le P. Semedo et le frère Sébastien recevaient, à cause de leur maladie et par une faveur extraordinaire, chacun une moitié d’œuf dur et salé, en place du plat d’herbes. « Si les chrétiens leur portoient quelque aumosne, dit Semedo, les gardiens de la prison, qui sont comme des guespes autour des ruches, en déroboient une bonne partie et le plus souvent tout. Deux de ces pauvres prisonniers avaient été tellement affaiblis par les tortures qu’ils ne purent résister à cette affreuse nourriture ; ils moururent en quelque sorte de faim et de misère au fond de leur noir cachot, dans un isolement complet, mais bien consolés par la pensée qu’ils avaient rempli bravement leur devoir de chrétien.

Pendant ce temps les ennemis des missionnaires travaillaient à Péking avec un redoublement d’activité, afin d’obtenir de l’empereur une sentence de bannissement contre tous les Européens. Le P. Lombard et le docteur Paul échouèrent dans toutes leurs tentatives pour faire parvenir à la cour un mémoire apologétique du christianisme. Toutes les avenues étaient si bien gardées par les eunuques, jaloux du crédit des mission-