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Chine. Durant ces longues courses à travers les vastes plaines de la Tartarie, on rencontrait assez souvent des cadavres de voyageurs massacrés par les brigands dont le pays était infesté. On ne pouvait s’engager dans les steppes qu’en grande troupe, et encore fallait-il user de précautions pour ne pas se laisser prendre à l’improviste. Pendant que le gros de la caravane s’en allait le long des vallées, de nombreux cavaliers parcouraient en éclaireurs le haut des montagnes, scrutaient attentivement le désert, et donnaient l’alerte à la moindre apparition suspecte. Souvent même on n’osait pas voyager pendant le jour ; on attendait que la nuit fût close, alors seulement on quittait le campement et on avançait sans bruit et à la faveur des ténèbres. Une nuit le P. Goès tomba de cheval, et, comme il était un peu écarté de la troupe, personne ne s’en aperçut. Sa chute fut si violente qu’il en éprouva un évanouissement et ne put se relever. Cependant la caravane allait toujours, et ce fut seulement longtemps après que l’Arménien Izaac s’aperçut que le cheval de son maître était sans cavalier. Il rebroussa chemin, plein d’anxiété, et chercha le P. Goès sans trop savoir où il devait diriger ses pas, car dans ces vastes solitudes il n’y a pas de route tracée, et l’on peut facilement s’égarer. Enfin il entendit une voix qui invoquait en gémissant le nom du Sauveur ; il se précipita de ce côté et trouva le pauvre missionnaire qui se traînait péniblement et avait déjà perdu l’espoir de rejoindre ses compagnons. Izaac le prit en croupe, et après avoir longtemps erré, ils purent, quand le jour parut, reconnaître les traces de la caravane et gagner le campement.