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que le Fils du Ciel vous regarde faire avec une majesté incomparable.

Chaque prostration, chaque battement de tête s’exécutent avec gravité, lenteur et précision, au signal donné par le grand maître des cérémonies, qui serait très-sévèrement puni, si la plus petite faute venait, par malheur, à se glisser dans une affaire de cette importance. Aussi, avant de se hasarder à faire comparaître les étrangers, on les exerce minutieusement, on les dresse, on fait de nombreuses répétitions, afin qu’il ne leur arrive pas, à ces barbares, de commettre quelque mouvement moins respectueux en présence de celui qui règne sous le ciel. Lorsque les missionnaires jésuites eurent bien étudié et bien compris les rites pour la prestation d’hommage, ils furent conduits dans la grande salle des réceptions et admis à l’honneur insigne d’exécuter les trois prostrations et les neuf battements de tête, en présence de cette nombreuse et brillante cour. La cérémonie fut complète, et il n’y manqua qu’une seule chose… c’était l’empereur. Comme nous l’avons déjà fait observer, le monarque alors régnant en Chine s’était laissé absorber par les eunuques. Coulant ses jours dans la luxure et la mollesse, au fond de son palais, il ne paraissait jamais en public ; ses ministres mêmes ne le voyaient pas. Cependant, comme d’après le rituel on devait, à certaines époques de l’année et dans des circonstances particulières, rendre hommage à Sa Majesté Impériale, les eunuques avaient décidé qu’il suffirait de pratiquer les cérémonies devant le trône vide ; que cela reviendrait parfaitement au même, parce que le contenant entrainait nécessairement l’idée du contenu.