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frayeur, tant on trouvait naturelle la physionomie des personnages, leurs yeux surtout pleins d’animation et de vie. Les montres piquèrent au plus haut point la curiosité de l’empereur et de sa cour. Malheureusement, elles étaient un peu détraquées et ne marchaient pas avec une parfaite régularité. Trois eunuques furent désignés pour apprendre la manière de les monter, et ils furent revêtus d’une dignité qu’on créa tout exprès.

On avait assigné aux missionnaires un logement peu éloigné du palais, parce que, bien qu’ils ne fussent pas admis en présence du Fils du Ciel, l’empereur aimait beaucoup à s’entretenir avec eux, à les questionner sur les mœurs et les habitudes des Européens ; mais ces singulières conversations se faisaient toujours par l’intermédiaire des eunuques, ce qui nécessitait des allées et des venues sans fin. Le P. Ricci, pour faire comprendre à la cour, mieux que par des explications verbales souvent mal rapportées, une foule de détails sur les usages de l’Occident, envoya à l’empereur une collection d’images représentant les costumes des souverains et des grands hommes de l’Europe, avec les vues des monuments les plus célèbres. Il y avait entre autres l’Escurial d’Espagne et Saint-Marc de Venise. Un des eunuques dit aux missionnaires que l’empereur, en voyant ces édifices si élevés, fut profondément ému de compassion, en pensant aux malheureux sort de ces pauvres monarques, qui étaient contraints de grimper sur des échelles pour arriver au haut de leurs appartements. Un tel exercice lui paraissait peu amusant et fort dangereux. Du reste, les plans de nos villes, avec leurs constructions à plusieurs étages, produisent en général sur les Chinois une