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dant la nuit, il y avait des apparitions d’épouvantables fantômes. La ville entière savait que ce palais était devenu la demeure favorite des Kouy, et tout le voisinage en était consterné de terreur. Le P. Ricci dit au président des travaux publics qu’il irait visiter cette résidence, et que, si elle était à sa convenance, il ne ferait pas difficulté de l’acheter, parce qu’il était persuadé que les malins esprits, s’il y en avait, s’enfuiraient aussitôt qu’il y aurait placé l’image du vrai Dieu.

Ce palais, tout récemment construit, pouvait loger dix missionnaires, et la distribution des appartements convenait merveilleusement à une maison religieuse. Le prix de vente ayant été fixé à la moitié des frais de construction, le P. Ricci ne balança pas un instant à en faire l’acquisition, sans se troubler nullement des apparitions diaboliques. Outre le bon marché, il était d’un immense intérêt pour la sécurité de la mission d’avoir un établissement vendu, par acte authentique, au P. Ricci lui-même, par le président de la cour souveraine des travaux publics. Ce fait seul valait une autorisation légale, et coupait court aux chicanes à venir des petits mandarins et des lettrés malveillants. Le contrat de vente fut signé et scellé par le ministre des travaux publics, et les missionnaires s’installèrent très à l’aise dans ce palais, non sans l’avoir auparavant bien aspergé d’eau bénite. On n’y entendit ni bruits ni gémissements, on n’y vit pas même l’ombre d’un fantôme. Dès lors on parla dans tout Nanking non plus seulement de la science des docteurs étrangers, mais encore de leur puissance sur les esprits et de la sain-