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pour travailler à l’œuvre de la propagation de la foi. À son réveil, le P. Ricci fut frappé de ce songe et demeura longtemps préoccupé de ce qui s’était passé. Lorsqu’il retourna ensuite à Nanking, et qu’il eut la liberté de circuler dans la ville, il fut grandement surpris de reconnaître les rues, les palais, les monuments, tout ce qu’il avait vu en songe : il ne douta plus un instant que Dieu avait voulu lui manifester sa volonté. Dès lors toutes les difficultés qui d’abord s’étaient présentées à son esprit, s’évanouirent, et, aidé par les conseils de son ami Kiu-Taï-Sse, il loua une maison modeste et convenable pour s’y établir. Chacun appréciera à sa manière le fait précédent, qui est rapporté par le P. Trigault, d’après les Mémoires même du P. Ricci[1].

Le P. Cataneo était venu rejoindre Ricci à Nanking. Lorsqu’ils furent installés et bien assurés de la protection des magistrats, ils se livrèrent à la prédication de l’Évangile, mais d’une manière un peu détournée et en prenant la chose d’un peu loin. Ils cherchèrent d’abord à se donner du crédit par le secours des mathématiques. « Dieu, dit le P. Trigault, ne s’est pas toujours servi d’un même moyen, en la suite de tant de siècles, pour attirer les hommes à sa loi. Ainsi il ne faut pas s’étonner si les nôtres (les jésuites) ont offert cette amorce pour attirer les poissons en leur nasse. Car qui voudrait bannir de cette église chinoise la physique, mathématique et philosophie morale, ne connaît pas assez le dégoût des esprits chinois, qui ne peuvent prendre aucun mé-

  1. Trigault, de Exped. christ., lib. IV, p. 301.