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événement. À cette allure si animée et si guerrière, le P. Ricci avait de la peine à reconnaître Nanking, la ville des lettrés, le rendez-vous des riches Chinois aimant la tranquillité, le luxe et les plaisirs. Mais il ne tarda pas à comprendre la cause de cette profonde transformation. Les Japonais, après avoir préparé longuement et en secret une formidable expédition, s’étaient précipités sur le royaume de Corée pour en faire la conquête. À la nouvelle de cette soudaine irruption, les Chinois avaient pris les armes pour défendre un peuple tributaire de l’empire, et repousser une agression qui pouvait devenir menaçante pour eux-mêmes. Le gouvernement chinois réunissait donc ses forces de terre et de mer pour aller délivrer la Corée de l’invasion japonaise. On venait d’afficher dans les rues de Nanking un édit par lequel il était enjoint à tous les officiers civils et militaires, au peuple même, de surveiller et d’arrêter les individus qui, par leur physionomie et leurs manières, paraîtraient être étrangers. Car il y avait peu de jours qu’on s’était emparé de plusieurs espions japonais qui s’étaient introduits dans la ville.

La publication de cet édit était pour les missionnaires un malheureux contre-temps. Le président Kouang leur conseilla de ne pas paraître en public, de rester enfermés dans leur bateau, de peur d’être pris pour des Japonais. Pour lui, il se rendit au palais qu’on lui avait préparé, en attendant l’époque fixée pour se rendre à Péking. Le P. Ricci, qui avait grand intérêt à se tenir au courant des affaires, se hasarda à lui faire plusieurs visites, mais en cachette et de façon à ne pas être découvert. Il allait toujours