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étalées dans la grande salle de réunion. Une nuit, pendant que la mission était dans une paix profonde, les habitants du bourg voisin célébraient bruyamment une de leurs fêtes superstitieuses. Lorsqu’ils eurent le cerveau bien échauffé par les vapeurs du vin de riz, ils partirent en tumulte pour aller faire le siège de la demeure des étrangers. D’abord ils firent pleuvoir sur la maison une grêle de pierres, qu’ils accompagnaient de cris sauvages et de malédictions. Les serviteurs du P. Cataneo se levèrent à la hâte, s’armèrent de bambous, et un vaillant nègre de Goa se mettant à leur tête, ils se précipitèrent sur les émeutiers qu’ils forcèrent de se réfugier dans les barques stationnées le long du fleuve. Mais le bourg ayant envoyé un renfort considérable de combattants, la bataille recommença jusqu’au matin. Les provocateurs, qui n’avaient pas été les plus forts et dont la plupart avaient reçu de vigoureux coups de bambous, se répandirent dans la ville de Tchao-Tcheou, poussèrent des cris effroyables, et allèrent frapper à tous les tribunaux pour demander justice contre les diables occidentaux, qui avaient voulu, disaient-ils, les assassiner.

Les grands tribunaux restèrent sourds à leurs plaintes. Mais il se trouva un petit mandarin qui les accueillit favorablement, parce que le P. Cataneo, quelques jours auparavant, avait refusé de lui donner un cadran solaire. Ne voulant pas laisser échapper cette bonne occasion de se venger, il envoya ses satellites à la mission et fit arrêter deux domestiques qu’il condamna à recevoir cinquante coups de bambou. Un frère coadjuteur, nommé Sébastien, crut devoir se rendre au tribunal pour parler en leur faveur ; aussitôt qu’il