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calme et la retraite, que la Providence lui fournît une occasion de se produire en public, et de proclamer, au milieu de cette population de lettrés et de sceptiques, la bonne nouvelle de l’Évangile. Il ne tarda pas à apprendre qu’un des principaux magistrats de Nanking était un de ses anciens amis de Canton, le grand mandarin Hiu, auquel il avait fait cadeau d’une sphère et de quelques cadrans solaires. Il alla lui rendre visite, espérant qu’il n’aurait pas oublié leurs anciennes relations et sa bienveillance d’autrefois. Le grand mandarin Hiu reçut le P. Ricci avec une courtoisie mesurée et tout au plus conforme aux rites. Il lui demanda par quel hasard il se trouvait à Nanking, et quelle affaire importante l’y avait amené. Je me suis souvenu de vous, répondit gracieusement le P. Ricci, et je me suis laissé entraîner par le vif désir de venir vous faire une visite. Voici les lettres officielles du grand intendant militaire qui m’a autorisé à vous venir voir à Nanking. En entendant ces mots, et surtout en voyant les lettres du grand intendant de la guerre, le mandarin fut tout à coup bouleversé ; il ne put comprimer son mécontentement et fit entendre de bruyantes lamentations. — Quelle témérité ! s’écria-t-il, quelle folie ! ton cœur a égaré ta raison… À Canton je t’ai traité avec bonté, et tu viens me perdre à Nanking ! Nanking n’est pas une ville où puisse résider un étranger… Ta présence excitera ici du tumulte, tu seras le sujet d’une grande agitation, et on m’accusera d’en être la cause. Mes ennemis me désigneront à mes chefs comme un homme qui entretient des relations secrètes avec les peuples du dehors, et qui cherche à les attirer dans