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jesté ; d’autres luttent péniblement contre la brise et les flots, tandis qu’un grand nombre, courant par le travers et en sens inverse, ressemblent à des monstres marins en courroux et qui chercheraient à se précipiter les uns contre les autres. Les évolutions de toutes ces machines flottantes sont si rapides et si multipliées, que le tableau se modifie et change à chaque instant[1].

Après avoir traversé heureusement le lac Pou-Yang, la jonque qui portait le P. Ricci entra dans le Yang-tse-Kiang « fleuve enfant de la mer, » et aborda enfin sous les murs de Nanking. Cette ville fameuse dans les annales de l’empire fut à plusieurs époques la capitale où résidèrent les empereurs avec leur brillante cour. Ses nombreux palais, ses grandes pagodes, sa tour si célèbre dans le monde entier, sa triple enceinte de remparts, tout donne à Nanking un aspect grandiose et digne de son illustration passée. Le fleuve Bleu, qui roule à ses pieds ses ondes majestueuses, est incessamment sillonné par de nombreuses jonques qui conduisent dans l’intérieur de la ville, par plusieurs canaux artificiels, les chinois opulents de toutes les provinces, désireux de couler leurs jours sous un beau ciel, au milieu du luxe et de la magnificence. Lorsque la cour abandonnait Nanking, qui cessait alors d’être le centre de la politique et des affaires, cette cité devenait le séjour de prédilection des littérateurs et des rentiers.

Le P. Ricci se choisit un modeste logement dans un faubourg de la ville, résolu d’attendre là, dans le

  1. Empire chinois, t. II, p. 214.