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en attendant qu’il fût permis aux prédicateurs de l’Évangile d’aller vers eux, et de leur faire connaître plus à fond la doctrine du Sauveur des hommes.

Le vice-roi des deux Kouang était mort depuis peu de temps, et son successeur venait d’arriver à Tchao-King. Les langues malveillantes répandaient déjà la nouvelle qu’il était très-peu favorable aux missionnaires, et qu’il avait le projet de les expulser. On allait jusqu’à dire que le terrain occupé par la mission lui avait tellement convenu, qu’il voulait y faire construire son palais, attendu que pour des motifs superstitieux il ne voulait pas mettre les pieds dans la demeure de son prédécesseur. Il prétendait qu’elle lui porterait malheur, et qu’elle s’écroulerait de fond en comble aussitôt qu’il y serait entré.

Sur ces entrefaites, le commissaire impérial, visiteur extraordinaire de la province, allait s’en retourner à Péking pour y rendre compte de sa mission. Le vice-roi, qui tenait à avoir de bonnes notes de ce grand dignitaire, lui fit rendre à son départ des honneurs inusités. Il voulut l’accompagner lui-même, en remontant le fleuve jusqu’à une distance assez considérable. Le jour du départ, la milice entière de Tchao-King fut sur pied, et tous les mandarins grands et petits, avec leurs globules, leurs plumes de paon et de corbeau, leurs colliers d’honneur et leurs tuniques aux dragons richement brodés, furent convoqués pour la parade. Le fleuve était encombré de jonques et de nacelles pavoisées et enrubannées ; les pétards retentissaient de toutes parts, et la musique la plus infernale du monde faisait tressaillir les rivages du Tigre, où se trouvaient amoncelés les bourgeois de Tchao-King,