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Matane, et qui payent encore rente, devaient verser chaque année au seigneur quelque $150.00 ou des produits en proportion, n’auraient-ils pas raison de se plaindre ? Pourtant, il est bien plus facile de tirer profit de son travail dans ces plantureux cantons qu’aux Îles de la Madeleine, il y a cent vingt-cinq ans. Pour comprendre la situation de ces gens, non seulement faut-il reculer plus de cent ans dans le passé, mais encore se transporter sur ces lieux isolés, sans débouché, sans protection et peuplés de pauvres gens, réchappés de bien des naufrages, avec de vieux haillons en partage. Avouons-le crûment, ils ont été traités comme de vils parias. Dans une lettre de l’abbé Brunet, en date du 27 septembre 1838, je lis que « Dans certains lieux un habitant est exposé à voir son habitation concédée à un autre individu, parce que celui qui concède un terrain ne se donne pas la peine d’examiner si ce terrain n’est pas déjà concédé à un autre. Outre cela, un habitant n’est pas maître pour ainsi dire chez lui. Le premier venu s’établira sur son terrain sans qu’il puisse l’en empêcher, à moins de s’en défaire en lui ôtant la vie, car il n’y a pas un homme auquel il puisse s’adresser pour se faire rendre justice. » La situation ne s’améliorait pas vite. Quatorze ans plus tard — le 12 octobre 1852 — l’abbé Charles-N. Boudreault, curé du Havre-Aubert, affirmait, dans une lettre officielle, que : « Certain nombre de ces terres sont occupées depuis dix, vingt, trente, quarante ans et plus, sans aucune tenure quelconque, les habitants n’ayant point voulu jusqu’à présent reconnaître de seigneur ; les autres occupent leurs terres en payant au capitaine Isaac Coffin ou à ses agents, une rente outre mesure, surtout pour le terrain qui leur est absolument nécessaire pour sécher leur poisson ; pour quelques pieds de grève que la mer couvre bien souvent, pour des dunes que je comparerais aux sables mouvants des dé-