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talement retirés de Nos Terres, de passer en France ou en quelques Unes des colonies françoizes. » Cependant, ils n’ont pas discontinué de faire leurs prières, « dans une maison particulière, en observant rigoureusement les dimanches et les fêtes. » Ces placets sont débordants de protestations d’amour pour la douce France et tout imprégnés de joie naïve et de fidèle attachement à leur religion.

Cette heureuse nouvelle avait bouleversé les Acadiens qui, dans la riante perspective de s’éloigner enfin de ce pays de souffrance, avaient abandonné leurs bourgs, vendu le peu de bien qu’ils possédaient et s’étaient rassemblés à Boston, afin de partir le plus tôt possible. Mais il n’appert pas que Sa Majesté Très Chrétienne les ait entendus. Le transport des 750 Acadiens d’Angleterre avait coûté au Trésor la somme de 122,000 livres, celui-là aurait coûté des millions. Ce merveilleux projet de délivrance tomba piteusement à l’eau, devant l’obstination des Américains qui exigeaient le paiement intégral de toutes les dépenses occasionnées par les Acadiens, depuis leur arrivée…

Navrés de se voir abandonnés de tous et fatigués d’attendre inutilement du secours de France, ils nolisent quelques vieux bâtiments et confient une autre fois leur triste sort à l’océan, leur seul ami. Ah ! la mer ! la mer ! c’est encore la seule planche de salut pour vous arracher des mains des voleurs et cingler toutes voiles déployées vers la liberté ! La mer ! c’est elle qui vous a vus naître et vous a vus grandir ; c’est elle qui vous a consolés sur les plages lointaines, vous aidant à remonter vers la patrie ; c’est elle qui vous écoute, se lamente et pleure avec vous ; et c’est encore elle qui vient sans bruit durant la nuit, à la faveur des étoiles, vous charger sur ses épaules et s’enfuir avec vous ! comment pourriez-vous l’oublier, pèlerins acadiens ?