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Ils vécurent ainsi des jours bien misérables, condamnés à habiter de vieilles masures délabrées, sans vitres, sans cheminées, exposés à la pluie, au vent et à la neige, n’ayant souvent pas de bois pour se chauffer et que de maigres rations à se partager. Tous ceux qui avaient la force et la santé de travailler étaient exploités comme des nègres : après avoir peiné durant deux mois, les deux frères Mius ne reçurent que trois verges de vieille toile, deux livres de morue sèche à moitié avariée et une livre de saindoux gâté. C’est un fait entre mille.

Enfin la guerre cessa. Aussitôt que les Acadiens déportés à Liverpool l’apprirent, ils envoyèrent secrètement une requête au duc de Nivernois, plénipotentiaire de Louis XIV à Londres, par un Irlandais qui avait épousé une Acadienne. Le duc expédia M. de la Rochette pour étudier la pénible situation de ces malheureux. Celui-ci leur annonça qu’ils seraient bientôt transportés en France. En apprenant leur délivrance prochaine, les Acadiens, fous de joie exubérante, de crier à tue-tête, au grand scandale des Anglais : Vive le Roi, Dieu bénisse notre bon Roi !

Immédiatement, ils pensèrent à leurs frères des colonies anglaises et leur écrivirent la bonne nouvelle, les engagent à demander leur rapatriement en France. En quelques jours, tous les Acadiens des états américains furent informés de ce projet et une liste des familles de chaque ville et de chaque province — au total de 4397 âmes — fut adressée au duc de Nivernois, accompagnée de placets le conjurant de les venir délivrer de leur captivité pour les emmener sous le gouvernement du bon roi de France où ils pourront enfin avoir des prêtres et s’approcher des sacrements, ce qu’ils n’ont pas fait depuis huit ans. « Nous avons toujours désiré, depuis que les Anglais nous ont bru-