Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 151 —

Ce ne fut qu’au grand jour que les équipages purent se retrouver et se réunir. La stupéfaction fut générale quand on s’aperçut que non seulement il ne manquait personne à l’appel, mais que pas un n’avait une simple égratignure. L’unique victime fut le petit chien de Xavier Cormier, à bord de la Pandora.

La sainte Vierge Marie avait protégé ses fidèles Acadiens.

Les goélettes étrangères qui, les jours suivants, passant près de l’île, venaient donner un pied d’ancre dans l’anse désormais historique et apercevaient un tel désastre, s’imaginaient sans doute que ces hommes travaillaient à enterrer leurs morts ; pas du tout, ils déterraient les débris de leur naufrage et tiraient le meilleur parti possible de tout ce qui en restait d’utilisable. Dix-sept goélettes dont neuf des Îles de la Madeleine avaient été mises en pièces, les autres, renflouées, pouvaient tant bien que mal reprendre la mer. On imagine assez facilement cette marine : dans une anse d’à peine deux cents verges de rivage, au bord d’une mer redevenue calme et douce, quinze goélettes couchées sur le flanc dans leurs souilles profondes ; dix-sept autres éventrées, déchirées ; des mâts, des vergues, des barges, des épaves de toutes sortes, et au milieu des hommes hâves et fatigués s’agitent et parlent…

Après une inspection sommaire et un conseil de guerre nous décidâmes de renflouer les moins avariées, et à l’œuvre sans retard et sans découragement. Entreprise gigantesque avec les moyens primitifs dont nous disposions. Cependant, douze jours plus tard, la brillante escadre madelinote était reconstituée et nous reprenions, avec de nouvelles énergies, notre pêche interrompue… Chaque goélette prit à son bord une couple de rescapés ; les autres allèrent à Blanc-Sablon et à l’Île-au-Bois où tout le monde sauve son été, la morue ayant bien donné cette année-là.