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Boudreau en sauva quelques-uns de la même façon ;) c’est l’Espérance qui disparaît le 2 avril 1893, au large de la Grande-Échouerie, le plus mystérieusement du monde…

Après chaque saison, quand on rentrait au port, c’était jour de vive allégresse et de grande liesse. Les femmes et les enfants sortaient des maisons, allaient sur les falaises et sur les caps saluer les hardis marins. Ceux-ci leur répondaient par autant de coups de fusil qu’ils avaient de cents loups-marins. Si le bâtiment était bien calé, c’était une explosion formidable de joie, des battements de mains, des cris, des signaux. Puis on se précipitait au port…

Dès que les vapeurs terre-neuviens commencèrent la chasse dans le golfe, les Madelinots, incapables de soutenir la lutte au large, désarmèrent leurs goélettes et s’organisèrent pour la chasse à pieds[1]. Les premières années furent miraculeusement fructueuses, car les loups-marins, n’ayant pas été élevés dans la crainte des Îles, s’en approchaient sans peur au temps de la mise à bas : 1er mars. Mais, serrés et traqués, d’un côté par les Madelinots et de l’autre par les Terre-Neuviens, ils purent difficilement s’échapper et durent subir, sans mot dire, un épouvantable massacre — un massacre d’innocents — qui en extermina la race : en 1917, 15,350 de capturés ; en 1918, 10,000 ; en 1920, pas un seul…[2]

Pourtant un peu d’intelligente protection aurait conservé cette source de revenus importants. Avec

  1. Par curiosité, voir Croquis Laurentiens du Frère Marie-Victorin pour détails.
  2. Un phénomène extraordinaire et dont on n’a point souvenance se produisit au mois d’avril 1925. Le hareng étant arrivé, les « trappes » tendues, le vent se mit à souffler de l’est et du nord-est et bloqua les Îles de glaces couvertes de loups-marins. Et pendant que dans la Baie-d’en-Dedans on charriait le hareng à pleines embarcations, dans la Baie-de-Plaisance on tuait les loups-marins comme dans les années d’abondance.