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un autre boyau, semblable au premier : c’est, pense-t-il, son unique chance de salut. Il le gravit jusqu’au sommet et se laisse choir de nouveau, mais, à sa grande stupéfaction, il est toujours emprisonné. Que faire ? Attendre le pêcheur. Celui-ci arrive de grand matin, prend la bouée qui marque le long cordage sur lequel sont attachées les cages à toutes les six ou huit brasses et file d’une à l’autre, enlevant le homard qui remplit parfois la chambre de sûreté, débarrassant les parasites et ajoutant de la bouette sur l’épingle tremblotante. Douze, quinze, dix-huit, vingt homards par cage, quand on pêche avec 100, 150 ou 200 cages, chargent bien vite la chaloupe. Le pêcheur alors ne sent pas la fatigue, ne songe pas à regretter son dur labeur. Il manie ces lourdes machines avec une dextérité inconcevable. Chacune met quelques ressources dans sa bourse et donne du nerf à ses bras vigoureux. Dans l’espace de quelques heures, s’il n’a pas d’accidents, il empile dans sa barge jusqu’à 1000, 1200, même 3000 ou 4000 crustacés qu’il apporte à terre et vend immédiatement. Aujourd’hui, le homard se pèse en vie et se vend huit ou neuf sous la livre. C’est peu, bien peu, si on considère les frais et les fatigues que cette industrie exige. Mais au début, nos pêcheurs n’obtenaient que $0.50 pour 100 beaux gros homards. ce qui faisait à peu près 30 à 34 sous du cent livres. Naturellement les marchands imposaient leur prix peu rémunérateur et pêchez bons Madelinots. Ils pêchèrent si bien, en effet, qu’ils faillirent en détruire la race. Alarmé de cet état de choses, le ministre de la marine et des pêcheries, fit construire à grands frais une couveuse artificielle qui ne donna que de très maigres résultats. Un récent règlement défendant d’apporter aucune femelle à terre en donnera de plus heureux, s’il est bien observé, et la gent homardière se multipliera à l’infini, à la grande satisfaction des fidèles protégés du bon saint Pierre.