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sinistre apparition avec les gens de loi. Du moment que les avocats ont paru, impossible d’y tenir plus longtemps ! »

De fait, ça ne pouvait pas être le manque d’espace, puisque les Îles ne contenaient qu’une population d’environ 2000 âmes, à cette époque. En vérité, il fallait bien les plaies d’Égypte pour forcer ces gens d’abandonner le sol qu’ils avaient défriché, leurs maisons, leur prêtre et se réfugier en intrus dans la sauvagerie du nord, loin des secours spirituels, sur une seigneurie[1] encore moins avantageuse que la première, parce qu’il leur était tout à fait impossible d’avoir des titres de possession. (Depuis longtemps déjà, ils les obtiennent en bonne et due forme).

C’est pourquoi l’abbé Ferland élève la voix, afin que le gouvernement protège ces colons « formés aux durs travaux de la terre et de la mer, appartenant au pays, parlant le doux parler de France, fermement attachés à la religion de la majorité des habitants du pays, capables de mettre en valeur les pêcheries, de fournir de bons marins, de lutter pour conserver au Canada ses droits et ses privilèges contre les envahissements des spéculateurs des États-Unis ». Nous verrons dans un autre chapitre, quelle protection fut tardivement accordée aux Îles de la Madeleine ; ce ne fut pas mieux sur la Côte-Nord. Ils s’y sentaient tout de même plus à l’aise au point de vue matériel. La pêche dans le nord, que les Madelinots menaient alors sur une grande échelle, entretenait les relations entre ces deux colonies acadiennes et accentuait le courant d’émigration. De telle sorte que les expatriés continuaient de respirer l’atmosphère du pays natal dont ils se croyaient à peine distants, malgré les 300 milles qui les séparaient de leurs chères îles.

  1. La Seigneurie n’englobait pas toute la Côte-Nord et s’étendait seulement du Cap Cormoran à Aguanish : 150 milles. Les Sept-Isles, Natashquan n’en faisaient pas partie.