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faces blêmes et livides portant l’empreinte d’une extrême misère. Personne n’a de patates pour planter, ni aucune espèce de grain pour semer. La moitié des gens ne pourront point avoir chez les marchands des avances pour la pêche. Toutes les maisons sont vides de provisions. Plus d’un tiers sans moyen quelconque pour en acheter. Plusieurs ont détruit et mangé tous leurs bestiaux cet hiver. »

Le 15 juillet 1849, écrivant à Monseigneur Turgeon, il ajoutait : « La moitié de nos insulaires est décidée d’aller se fixer sur la côte ouest de Terre-Neuve. Ils sont fatigués de la misère : la terre et la mer ne leur donnent que miette à miette les choses indispensables à la vie. Pour achever de les déterminer il faudrait un prêtre. Ils me supplient de les accompagner pour fonder une mission à la Baie-des-Îles. » Au printemps de 1850, avant de partir pour la Baie-des-Îles et la Baie Saint-Georges, il écrit : « La plupart des Madelinots s’y transporteront au cours de l’été. Monseigneur Flemming leur tend les bras. »

Ces prévisions ne se réalisèrent pas tout à fait. Maintes gens à la veille de partir virent leurs barques et leur butin saisis par les marchands vampires de l’endroit. Et il n’apparaît pas que le courant d’émigration fut bien fort de ce côté. Il prit plutôt la direction du nord.

L’expédition de Pic-de-Lis se composait de Jean Cormier, Vital Chevarie, Fabien Lapierre, Isidore Vigneau et leurs familles. Le petit Poirier de l’Étang-du-Nord et Michel Lapierre les ont traversés dans le mois de mai, Vital Chevarie et Isidore Vigneau ont été à la Baie Saint-Georges et les deux autres à Pic-de-Lis. Michel Lapierre est retourné les chercher le même automne. Ils avaient eu de la misère à vivre l’été, étant obligés de lever des « coqs » pour se faire de la soupe ; et, sans les Français établis à l’Île Rouge, pas loin de là, lesquels