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CHAPITRE III.

Le Gouvernement autrichien et l’abolition de la torture dans les Pays-Bas.


Nous avons vu que, dès 1728, les ministres de (Charles VI avaient ouvert une enquête sur les pratiques usitées dans la procédure criminelle des Pays-Bas. Pendant près de quarante ans, cet objet semble abandonné[1] En 1761, une difficulté surgit à Luxembourg, au sujet du procès de deux incendiaires. L’un des deux avoue, mais son complice nie. Le Conseil de Luxembourg expose au gouvernement qu’il faudra recourir à la question, mais il se trouve très embarrassé : en effet, « la question ordinaire est si douce qu’elle fait impression sur peu de criminels ; l’extraordinaire les jette au contraire d’abord dans des douleurs si fortes et si vives que, le premier moment étant passé, ils perdent tout sentiment et deviennent par conséquent insensibles aux exhortations et questions qu’on leur fait pour en arracher la vérité[2] ». Il y aurait un moyen de réussir : user de la torture en usage devant les tribunaux militaires ; mais il faut pour cela l’agrément du pouvoir central. Le Ministre plénipotentiaire[3] accorde immédiatement l’autorisation demandée, sans commentaire aucun. Il ne relève pas même l’absurdité du système pratiqué devant les tribunaux civils. On dirait que le Gouvernement se désintéresse de toute modification aux errements anciens. Cependant l’intense mouvement des esprits que nous avons étudié au chapitre précédent, ne pouvait demeurer indifférent aux ministres de Marie-Thérèse, sympathiques eux-mêmes aux idées de réforme. En 1765,

  1. Cependant certaines pièces des archives criminelles prouvent que le Conseil privé, composé d’ailleurs de juristes distingués, a des doutes sur l’efficacité de la torture. En 1740, il fait obtenir grâce de la question à Anna H…, traduite devant le tribunal des échevins de Hœilaert du chef d’infanticide, attendu « que le moyen de parvenir à la parfaite » connoissance d’un crime par voye de ladite question n’est pas toujours asseuré et hors » de replicque » [Cons. privé, cart. 724].
  2. Voir aux pièces justificatives, n° VII.
  3. Le comte Charles de Cobenzl.