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arrêter à ces inepties. Van Toulon[1] et Opperdoes[2] concluent à l’abolition, mais leurs thèses sont des compilations ennuyeuses. La seule dissertation intéressante de l’Université de Leyde a pour auteur Pelgrom[3], qui indique ses préférences par le titre même de sa dissertation : De injustitià torturæ ; il est au courant des travaux publiés sur la question depuis Aristote et saint Augustin jusqu’aux criminalistes du XVIIIe siècle, et, seul des Hollandais que nous avons cités, il parle de Beccaria et de Sonnenfels. Il félicite chaleureusement le roi de Prusse, la czarine et Joseph II de leur zèle novateur.

En terminant ce chapitre, nous pouvons citer, non sans quelque fierté, l’œuvre d’un de nos compatriotes qui employa pour la cause de l’humanité toutes les ressources d’une puissante dialectique, et, bien des années avant la plupart des publicistes illustres d’Italie, de France et d’Allemagne, dont nous avons analysé les travaux, publia contre la torture un réquisitoire irréfutable. Nous voulons parler de Bernard Van Espen, professeur à l’Université de Louvain.

Son Jus ecclesiasticum universum, dont la première édition parut à Louvain en 1720, contient un chapitre consacré à la procédure. Le savant canoniste établit à l’évidence que l’on ne peut pas légalement infliger la question à un accusé, s’il existe un autre moyen de prouver sa culpabilité, et il commente sur ce point avec une admirable lucidité les ordonnances criminelles de Philippe II. Puis, abordant le fond, il expose les opinions divergentes sur l’utilité de l’institution, sans prendre personnellement parti d’une manière bien nette, mais avec une complaisance marquée pour les adversaires des procédures cruelles. Il insiste surtout sur les arguments de Vivès et de Nicolas, met en pleine lumière l’incertitude, l’iniquité et l’absurdité de la question, et, quarante-cinq ans avant Beccaria, il formule, lui aussi, le fameux dilemme que nous avons cité en parlant du Traité des délits

  1. Dequœstionibus sive torturà reorum.
  2. De quœstionibus.
  3. À ceux qui invoquent l’autorité et l’excellence du droit romain, il demande [p. 21] pourquoi on n’a pas conservé ce droit dans toute son intégrité, pourquoi on a abrogé le droit, pour le père de famille, de vendre ses enfants, le jus vitæ necisque, etc.