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autres enquêtes ; il n’y a qu’un remède possible à ses abus : la suppression radicale et immédiate[1].

L’objet qui nous occupe inspira au XVIIIe siècle quelques thèses présentées à l’Université de Leyde en vue de l’obtention du titre de docteur en droit ; elles sont de peu de valeur, d’un intérêt presque nul, et, chose étrange, leurs auteurs, un seul excepté, semblent ne pas se douter de l’existence du vaste mouvement d’opinion qui s’est produit dans toute l’Europe ; tout au plus citent-ils leurs compatriotes Van Heemskerk et Matthæus. On y examine, dans un latin barbare et avec une sécheresse rebutante, les règles prescrites sur la matière. De Neck[2] se déclare partisan de la torture, bien qu’il y ait contre elle « ponderosa argumenta » ; il avoue que des erreurs judiciaires ont pu être commises, mais elles ne prouvent rien contre l’institution, elles ne prouvent que contre les juges ; quand un médecin tue son malade, on ne condamne pas pour cela le médicament[3] ! Si l’accusé souffre, il n’a qu’à s’en prendre à lui-même, puisqu’il peut éviter la souffrance en faisant spontanément l’aveu qu’on réclame de lui[4]. Mais c’est assez nous

  1. Jonktijs rappelle aussi toute une série d’erreurs judiciaires, de supplices répétés avec des raffinements de cruauté qu’on ne peut lire sans éprouver une impression d’horreur. Il critique avec une verve impitoyable l’absurdité des procès de sorcellerie où la torture est constamment en usage. « Pourquoi, dit-il, le démon laisserait-il souffrir ses complices alors qu’il peut les sauver ? Il sait les rendre invisibles, dites-vous, pour les mener au sabbat, et il ne les rendrait pas invisibles quand ils sont sur la sellette… Si les soi-disant sorciers n’étaient pas des fous, renonceraient-ils à leur salut éternel et souffriraient-ils tous les tourments imaginables pour mener sur la terre une vie pauvre et misérable ?… Dieu ne fait plus de miracles, et le diable en ferait !… Folie ou mensonge, il n’y a pas de milieu… Aujourd’hui on ne parle plus de sorcellerie dans la république, mais tout le bois du pays accumulé en bûchers ne suffirait pas à brûler ceux qui ont été accusés autrefois… c’est la torture, et peut-être la torture uniquement, qui a fait naître la sorcellerie… qu’on applique les jésuites et les capucins à une question suffisamment rigoureuse, et on verra s’ils ne s’avouent pas sorciers » [pp. 203-220, éd. de 1736].
  2. De torturà.
  3. « Constat enim, inter medicamenta dari talia quæ si prudenter, cauté, et secundum regulas artis præscribantur, felicem producunt effectum, et gravissimos morbos sanant et expellunt : quid ergo, si illa præscribantur ab imperito medico adeó ut ; ægrotum ad tumulum deferant, an statim illa medicamenta, tanquam noxia venena, erunt damnanda, hoc certe nemo dixerit, cum produxissent speratos effectus, si medicus illa rectè præscripsisset » [p. 22].
  4. « Ideo sibi imputare débet id, cum spontanea confessione omnem ex torturà ortum dolorem vitare possit » [p. 21].