Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

degrés à des innovations dangereuses ». Cependant, après avoir mis en balance les inconvénients certains de la torture et ses avantages problématiques, le roi décide d’abroger l’usage de la question préparatoire, et défend aux juges de « l’ordonner avec ou sans réserve de preuves, en aucun cas, et sous quelque prétexte que ce puisse être ».

Quelques années plus tard, un nouveau progrès est réalisé. Le 8 mai 1788, dans un lit de justice tenu à Versailles, Louis XVI s’exprime en ces termes : « Nous avions pensé que la question, toujours injuste pour compléter la preuve des délits, pouvait être nécessaire pour obtenir la révélation des complices. Mais de nouvelles réflexions nous ont convaincu de l’illusion de ce genre d’épreuves… D’ailleurs, la question préalable est dangereuse pour l’innocence, en ce que la torture pousse les patients à des déclarations fausses qu’ils n’osent plus rétracter, de peur de voir renouveler leurs tourments[1] ». En conséquence, la question préalable est supprimée.

Malheureusement, la disgrâce de Lamoignon, survenue le 14 septembre de la même année, eut pour conséquence le retrait de tous les édits du 8 mai, dont le célèbre chancelier avait été l’inspirateur.

Mais c’était la fin des résistances routinières. Le 24 septembre, le parlement enregistra une déclaration royale portant que les États généraux de la nation seraient convoqués l’année suivante. En 1789, l’unanimité des Cahiers se prononça pour la suppression de la torture[2], et, le 11 octobre de cette année, l’Assemblée nationale, considérant « qu’un des principaux droits de l’homme est celui de jouir, lorsqu’il est soumis à l’épreuve d’une accusation criminelle, de toute l’étendue de liberté et de sûreté pour sa défense, qui peut se concilier avec l’intérêt de la société qui commande la punition des délits[3] », abolit l’usage de la sellette et la question dans tous les cas[4].

  1. Réimpression du Moniteur, 1843 ; Introduction, p. 312. — Chose étrange, après cette appréciation si sévère de la torture, le roi ajoute : « Nous nous réservons, quoique à regret, de rétablir la question préalable, si, après quelques années d’expérience, les rapports de nos juges nous apprenaient qu’elle fût d’une indispensable nécessité », Ibid.
  2. L.-M. Prudhomme, Résumé des cahiers. Clergé, t. I, p. 351 ; Noblesse, t. II, p. 399 ; Tiers État, t. III, p. 575.
  3. Décret sur la réformation provisoire de la procédure criminelle.
  4. Ibid., art. XXIV. — Ce décret venait absolument à propos : un arrêt du parlement de Paris, du 11 août 1789, avait confirmé une sentence de la prévôté royale de Châteaulandon, laquelle condamnait un certain Tonnelier, accusé de tentative d’assassinat, à la question préalable et au supplice de la roue.