Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consultes d’une indiscutable valeur, mais chez qui l’esprit d’autorité tuait l’esprit de réforme, firent entendre des cris d’alarme contre les systèmes dangereux et « les idées nouvelles qui, si elles étaient adoptées, n’iraient à rien moins qu’à renverser les lois reçues par les nations les plus policées, et donneraient atteinte à la religion, aux mœurs et aux maximes sacrées du Gouvernement[1] ».

Jousse, conseiller au Présidial d’Orléans, rappelle que la question n’est pas infamante pour celui qui la subit[2]; Muyart de Vouglans, conseiller au Grand Conseil de Paris, consacre tout un livre à réfuter Beccaria[3]. Pour le magistral parisien, le publiciste milanais est un fou ou un criminel : « Je laisse, dit-il, à ceux qui sont chargés spécialement de cette partie de notre droit public le soin d’exercer leur censure et d’employer toute leur autorité pour en arrêter la contagion[4] ». Il extrait du Traité des délits et des peines une série de propositions qu’il déclare abominables et qui aujourd’hui sont indiscutées, tels le principe de l’égalité des peines et la négation de la vindicte publique. Muyart de Vouglans n’hésite pas à défendre le maintien intégral du vieux système, y compris le serment des accusés et la question tant préparatoire que préalable[5]. D’autre part, il approuve les dissimulations

  1. Jousse, Voyage en Italie, p. 321.
  2. Jousse, Traité de la justice criminelle en France, t. II, p. 474.
  3. Réfutation du Traité des délits et des peines. Appendice aux Lois criminelles de la France dans leur ordre naturel.
  4. Ibid., p. 814.
  5. « L’on pourroit apporter plusieurs exemples où l’expérience a fait voir pareillement l’utilité de la torture, si cette utilité ne se trouvoit pas d’ailleurs suffisamment justifiée, et par l’avantage particulier qu’y trouve l’accusé lui-même, en ce qu’on le rend par là juge dans sa propre cause, et le maître d’éviter la peine capitale attachée au crime dont il est prévenu, et par l’impossibilité où l’on a été jusqu’ici d’y suppléer par quelque autre moyen aussi efficace, et sujet à moins d’inconveniens ; et enfin par l’ancienneté et l’universalité de cet usage qui remonte aux premiers âges du monde, et qui a été adopté, comme l’on scait, par toutes les nations… Au reste, l’exemple d’une ou deux nations qu’on prétend s’être écartées en dernier lieu de ce même usage, sont des exceptions qui ne servent qu’à mieux confirmer la règle sur ce point… L’on croit pouvoir assurer avec confiance que, pour un exemple que l’on pourroit citer depuis un siècle d’un innocent qui ait cédé à la violence du tourment, l’on seroit en état d’en opposer un million d’autres, qui servent à justifier que, sans le secours de cette voie, la plupart des crimes les plus atroces, tels que l’assassinat, l’incendie et le vol de grand chemin seroient restés