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sa confession hors des tourmens, de peur d’y estre remis, est condamné et exécuté à mort comme le véritable meurtrier.

» Peu après, le vray homicide ayant esté arresté pour un autre crime, confessa ingénument qu’il estoit aussi l’auteur de celuy pour lequel l’innocent jeune homme avoit souffert un supplice injuste.

» Le cas vint à la connoissance du Grand Conseil des Provinces-Unies, lequel, pour marque de châtiment, priva le Magistrat d’Amsterdam du droit d’avoir un bourreau, puisqu’il s’en estoit servi pour une injuste exécution.

» Cet exemple, qui pourroit estre confirmé d’un million d’autres, nous fait voir évidemment l’incertitude de ces confessions violentes, et la certitude infaillible de l’effet de la torture sur un corps humain dans ces seules forces naturelles. Il nous apprend que ni le corps du délit constant, ni les présomptions, ni les indices les plus vraisemblables ne peuvent assurer la conscience d’un juge qui commet la vie d’un homme à ce genre de preuve si douteux… que s’il m’est permis de dire mon sentiment, je diray qu’il falloit défendre l’usage de la torture à ce Magistrat, et non d’un bourreau, puisque celle que les États Généraux luy imposèrent ne luy produisit aucun remède au passé, ni aucune précaution pour l’avenir[1] ».

Nicolas fait remarquer aussi l’étrange contradiction de ceux qui applaudissent à la suppression des Ordalies et qui approuvent le maintien de la torture[2]. Il conseille aux princes, « avant que d’établir des juges criminels, de les obliger à souffrir chacun un demi quart d’heure d’estrapade ; ils sauroient sans doute beaucoup mieux ce qu’il faut croire de ces confessions forcées, et seroient meilleurs ménagers de la vie et de l’honneur des innocens[3] ».

  1. Pages 177-181.
  2. « Je suis étonné mille fois que tant de papes et de conciles qui ont aboli l’usage des purgations vulgaires, comme superstitieux et violent, n’ayent pas étendu leurs réflexions sur les tragiques effets de la torture. Ou jamais il n’y eut de hasard et d’incertitude dans les preuves par l’eau ou par le feu, ou celle de la torture les surpasse toutes… Les criminalistes même sont forcés d’avouer que la torture est une purgation vulgaire… et ceux mêmes qui l’ont introduite et la soutiennent avouent que l’innocent y court un risque évident et moralement inévitable » [p. 198].
  3. Page 41.