Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour des hommes vigoureux, on les inflige à de faibles femmes, que l’auteur, peu galant, traite de « animal imbecillum, impatiens dolorum, promptum lingua[1] » ! Et, par une étrange contradiction, c’est sur ces pauvres créatures que la sévérité des juges s’exerce le plus cruellement[2] ! Notre écrivain stigmatise avec indignation la conduite des magistrats habiles à éluder la loi : il est, dit-il, interdit de torturer à nouveau l’accusé qui a subi les tourments d’une première épreuve sans rien confesser ; aussi le juge prétendra-t-il que ce n’est pas une réitération, mais une continuation, « ad continuandum tormenta, non ad iterandum[3] ». Comment, s’écrie le jésuite scandalisé, des prêtres et des religieux peuvent-ils jouer sur les mots dans une matière si douloureuse[4] ? Il affirme que de nombreux accusés sont morts dans les tortures, que d’autres en sont sortis estropiés pour la vie, d’autres tellement couverts de plaies, qu’au moment du supplice le bourreau n’a pas osé mettre leurs épaules à nu, de crainte d’exciter l’émotion populaire[5].

Il raconte enfin une histoire lamentable à laquelle il fut personnellement


    consulere paratos esse, sed ni aliter queant quam cum periculo redeundi in quæstionem, non posse neque velle, ne quidem si de salute sit actum. Ex quo igitur infero in hunc modum : si nonnullis ita gravis ac intolerabilis tortura est, ut damnari potiùs quàm torqueri sustineant, quis neget prudenter et cum ratione credi posse quod diximus : nimirum torturas has non leve secum trahere periculum, ne, si non serio occurratur, nocentum numerum innocentes exaggerent. Ego de me fateor, tam minime tantis pænis exhauriendis subsistere, ut si in quæstiones abriperer, non dubitarem mox ipso initio reum me cujuscumque maleficii statuere et mortem potiùs quam tantos cruciatus amplecti ». Caut. crim., pp. 125-128.

  1. Ibid., p. 129.
  2. Ibid., p. 131.
  3. Von Spee vise notamment Sprenger. Voir Malleus malelicorum, III, q. xiv, p. 513 de l’éd. de Francfort de 1580.
  4. « Nescio quid dicam, itane viros religiosos ac sacerdotes loqui posse et ludere in re tam acerba. Nam certe irreligiosa hæc mihi crudelitas videtur ; et vereri incipio, imo sæpe ante sum veritus, ne pædicti inquisitores omnem hanc Sagarum multitudinem primum in Germaniam importarint, torturis suis tam indiscretis ». Caut. crim., p. 172, Dub. XXIII, Prætext. 5.
  5. « Mihi constat enormioribus torturis multos esse mortuos, multos etiam in omnem vitam inutiles redditos, multos ita laniatos et scissos, ut, cum capite plectendi essent, non ausus fuerit lictor pro more humeros nudare, ne crudeli spectaculo populum concitaret : quosdam in ipsa adhuc ad supplicium via expediri debuisse, ne antequam pervenirent, mortui conciderent, etc. ». Ibid., Dub. XX, Ratio VIII, p. 131.