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Et cependant nous n’avons pas seulement à enregistrer à l’actif du XVIIe siècle des aveux contraints de légistes ou des protestations accidentelles d’hommes généreux. Des publicistes distingués ont consacré d’importants travaux au sujet qui nous occupe. Deux de ces livres méritent surtout de nous arrêter. L’un, écrit en latin, est l’œuvre d’un jésuite allemand, Frédéric-Auguste von Spee[1] ; l’autre, écrit en français, est dû à un magistrat franc-comtois, Augustin Nicolas, conseiller au parlement de Besançon.

La Cautio criminalis de von Spee fut publiée sous le voile de l’anonyme[2]. De 1631 à 1650, les éditions se succédèrent et eurent d’innombrables lecteurs. Leibnitz lui attribue l’honneur d’avoir amené la plupart des princes d’Allemagne, et notamment l’Archevêque-Électeur de Mayence ainsi que le Duc de Brunswick, à supprimer les exécutions de sorciers[3].

Notre auteur intitule modestement chacun de ses chapitres dubium ; mais, sous cette forme dubitative, il plaide toujours avec habileté et parfois avec éloquence la cause de l’humanité et de la justice.

Nous laisserons de côté, comme ne rentrant pas directement dans notre sujet, les pages que von Spee consacre à jeter dans l’esprit des juges la défiance des accusations de sorcellerie, des aveux des sorcières concernant le sabbat, lequel, dit-il, n’existe que dans l’imagination des accusés, dupes des plus étranges hallucinations[4]. Nous ne nous arrêterons pas davantage aux choses excellentes qu’il écrit, cent ans avant Montesquieu, sur la liberté de la défense, question qu’il a, dit-il, honte de traiter, mais que l’injustice du temps l’oblige à examiner[5]. Force nous est de nous restreindre et de choisir.

  1. Voir sur von Spee : E. Wolff, Das deutsche Kirchenlied des XVI und XVII Jahrundert dans la Deutsche national Litteratur, t. XXXI. — Voir aussi J.-B.-M. Diel, Friedrich von Spee. Eine biographische und historische Skizze, Fribourg i/B., 1872, et Cardauns, Friedrich von Spee, Francfort, 1882, in-8o.
  2. La première édition parut à Rhintel en 1631, la deuxième à Cologne en 1632, la troisième à Francfort, aussi en 1632 ; nous citons d’après cette dernière édition.
  3. Essai sur la bonté de Dieu et la liberté de l’homme, trad. de Neufville, Amsterdam, 1712, p. 217.
  4. « Nune sunt qui [il se range parmi ceux-là] putant nimium tribulum esse narratiunculis et fallacissimis confessionibus in tortura efîeclis… dubitant de tripudiis illis, seu conventibus sagarum : aut saltem cum Tannero rariores esse existimant, cùm plerasque phantasmatis illudi credibilius sit ». Cautio criminalis, p. 23.
  5. « Pudet me quæstionis, sed iniquitas nostrorum temporum pudorem detergit » [Caut. crim., p. 94].