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Binsfeld, l’évêque de Trêves qui, au XVIe siècle, déclara aux sorcières une guerre impitoyable[1], confesse avec résignation que les accusés feraient mieux de se résoudre à mourir en avouant, même à faux, que de se laisser déchirer et réduire à un état mille fois pire que la mort[2] ; et Pierre Ayrault, qui attaque si énergiquement le manque de publicité dans la justice française, qui écrit si excellemment sur la liberté de la défense, Ayrault semble admettre la torture, à condition qu’elle soit donnée publiquement[3], comme si le contrôle de la publicité pouvait améliorer une institution vicieuse dans son essence. Peut-être nourrit-il une arrière-pensée et compte-t-il que la publicité fera naitre l’horreur.

Le XVIIe siècle est, en général, d’humeur peu charitable à l’égard des malheureux. Qu’on se souvienne de la verve avec laquelle Molière raille les difformités et même les souffrances physiques, et qu’on relise dans les Plaideurs de Racine ce badinage sur la torture qui blesse singulièrement nos sentiments d’humanité[4]. Les romanciers du grand siècle rient des supplices que l’on inflige aux criminels, et Mme  de Sévigné, reflétant l’opinion de

  1. Il est l’auteur d’un Tractatus de confessionibus maleficarum et sagarum dont l’épigraphe fait suffisamment connaître le degré d’humanité : « Malelicas non patieris vivere ».
  2. Tractatus Comm. in tit. C de malef., concl. 6, 91, concl. 5, cité par Nicolas, p. 29.
  3. P. Ayrault, L’ordre, formalité, etc., p. 527.
  4. Dandin.

    N’avez-vous jamais vu donner la question ?

    Isabelle.

    Non ; et ne le verrai, que je crois, de ma vie,

    Dandin.

    Venez, je vous en veux faire passer l’envie.

    Isabelle.

    Eh ! Monsieur, peut-on voir souffrir des malheureux ?

    Dandin.

    Bon ! Cela fait toujours passer une heure ou deux.


    [Acte III, scène IV].