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Dans les Pays-Bas du Nord, il y a eu des abus comme dans les provinces méridionales. L’historien Pierre Bor cite, au XVIIe siècle, des exemples d’accusés torturés jusque neuf fois, sans que l’atrocité des supplices ait raison de leur résistance[1]. Pour ce qui concerne la réitération de la torture à ceux qui nient obstinément le crime qu’on leur impute, les jurisconsultes hollandais n’étaient pas d’accord sur l’interprétation de la loi. Les uns soutenaient que l’accusé qui avait enduré les tourments sans avouer devait être puni de la peine ordinaire ; d’autres voulaient qu’on lui infligeât une peine moindre ; la plupart opinaient pour l’absolution. Toutefois, là où cette interprétation prévalait, l’administration communale pouvait, par mesure de police, retenir le patient en prison, quoique absous, ou prononcer contre lui une sentence de bannissement[2].

Mais que faut-il entendre par les indices nouveaux dont parle l’ordonnance ? D’après Voorda, qui a consacré à cette question une savante étude, les indices nouveaux sont ceux qui ont été découverts depuis la sentence qui a ordonné la torture, et ils doivent être purgés sans délai. Voorda proteste contre les errements des juges hollandais ; il n’admet pas qu’on puisse détenir à vie, ou même à temps, un inculpé, uniquement parce qu’il est mal famé, ou sous prétexte que des charges nouvelles pourraient être un jour relevées contre lui, et, ce qui est moins avouable encore, dans l’espoir que, maté par une longue captivité, il finirait par entrer dans la voie des aveux : c’est, dit-il, une iniquité que ne peut justifier aucune considération de police ou de salut public[3].


  1. Livre VIII, t. I, p. 108 de l’éd. de Leyde de 1621. Il s’agit de vagabonds torturés près d’Alkmaar.
  2. C’est surtout à Amsterdam que cet usage était reçu. Les registres n’offrent presque pas d’exemple d’accusés mis en liberté immédiatement après avoir supporté la question sans avouer ; ils étaient presque toujours bannis ou envoyés à la maison de détention avec les condamnés. Mais, pour faire voir que ce n’était pas comme juges que les échevins rendaient cette ordonnance, et qu’au contraire elle était un effet de leur pouvoir souverain de police administrative, cette disposition n’était pas libellée dans la forme d’une sentence, mais par apostille marginale dans le registre des interrogatoires. Voir Meyer, Esprit, etc. des instit. judic., t. IV, p. 295.
  3. Voorda, De crim. ord., p. 367.