Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De même, l’ordonnance de 1539 porte que, si l’accusé n’avoue pas dans la question, il doit être absous[1]. En 1670, on se rapproche du système suivi dans les Pays-Bas espagnols et en Allemagne : « Les juges pourront aussi arrêter que, nonobstant la condamnation à la question, les preuves subsisteront en leur entier, pour pouvoir condamner l’accusé à toutes sortes de peines pécuniaires ou afflictives, excepté toutefois celle de mort, à laquelle l’accusé qui aura souffert la question sans rien avouer ne pourra être condamné, si ce n’est qu’il survienne de nouvelles preuves depuis la question[2] ». Donc, si la torture n’amène pas d’aveu, les charges antérieurement relevées subsistent. C’est ce que l’on appelle la question avec réserve de preuves.

  1. « Si par la question ou torture on ne peut rien gagner à l’encontre de l’accusé, tellement qu’il y ait matière de le condamner, nous voulons lui être fait droit sur son absolution » [Allard, Hist. du droit crim. au XVIe siècle, p. 300]. — Voici à ce propos une curieuse observation : « Encore qu’il n’y ait point de nouveaux indices, on peut derechef appliquer à la question le prévenu qui n’y a rien confessé, s’il y a soupçon que lors de la première tourture il eît pris quelque brevage, ou mangé certaines drogues pour ne pas sentir les douleurs de la question. Comme il a esté jugé en la chambre de l’Édit de Castres, en l’année 1605, au rapport du sieur de Prouengues contre Pagès prévenu d’un meurtre. Le mesme a été jugé au sénat de Chambéry en 1593. Le prévenu est par là même rendu suspect, quand il se sert de ces artifices pour n’estre contrainct de dire la vérité. On peut connoitre qu’il y a eu du charme, de ce que le torturé n’a pas tenu compte du tourment. Quelques-uns ont dit que le prévenu qui auparavant la question aura avalé du savon détrempé avec de l’eau, ne sentira point les douleurs de la question, mais le remède contre ce brevage est de donner à ce prévenu du vin, car le vin oste l’énergie et la force du savon » [Despeisses, t. III, p. 117].
  2. Bornier, Conférences des ordonnances de Louis XIV, t. II, p. 302. Bornier ajoute : « Si cette réserve n’y étoit pas, les indices qui étoient contre l’accusé seroient purgés, pour avoir souffert la question sans rien confesser, et il devroit être absous suivant l’ordonnance de François I de l’an 1539, article 164, d’autant que s’il falloit condamner le criminel à quelque peine, il seroit doublement puni, sçavoir de la peine de la torture, et de celle qu’exige le délit. Et d’ailleurs les lois présument qu’endurant les tourmens de la question, il a dit la vérité, et qu’ainsi il ne peut être condamné. C’est l’opinion des docteurs les plus approuvés. — Il est vrai que Faber en son code tit. de quæst. defin., 9, § 25, apporte cette distinction que, ou l’accusé est tout à fait convaincu, ou qu’il y a contre lui simplement des indices : au premier cas, soutirant la question, la preuve convaincante n’est pas purgée ; mais à raison de sa souffrance, la peine doit être diminuée, c’est-à-dire que la peine va ordinairement aux galères et au bannissement perpétuel, si l’accusé en confessant le crime eut mérité la mort ».