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l’accusé moyennant la promesse de se représenter, quand il en sera requis, et de ne pas chercher à se venger de ses dénonciateurs[1].

Toutefois les choses ne se passent pas toujours régulièrement. Ed. Poullet a constaté dans les comptes des officiers criminels du Brabant que, dans la pratique, les justiciers ne se faisaient pas faute de réitérer la question « une fois, deux fois, trois fois, een werf, ander werf, ende derder werf », jusqu’à ce qu’ils eussent, par l’excès de la douleur, arraché un aveu. Puis, il faut bien le dire, même dans la disposition qui exige l’existence de nouveaux indices, il n’y a pas de garantie sérieuse pour l’accusé, car c’est le juge chargé de faire appliquer la torture qui décide en même temps le point de savoir s’il y a de nouvelles présomptions de culpabilité. En Allemagne, avoue Del Rio, on est allé jusqu’à remettre vingt fois un homme à la torture[2]. En France, la législation a varié. L’article 113 de l’ordonnance de 1498 avait aboli l’usage qui s’était établi de réitérer la question, même sans que de nouveaux indices fussent survenus, à la seule condition de mettre entre la première torture et la réitération vingt-quatre heures d’intervalle[3].

  1. « Notre droit statutaire est plus indulgent à l’égard du prisonnier qui a enduré la torture sans rien avouer. Il veut, article 22, p. 384, qu’aprez l’avoir encor arrêté quelque temps à l’arbitrage du juge, pour voir si l’on ne découvre pas quelques nouveaux indices, on le relâche de la prison moyennant promesse de retourner quant il en sera requis, et moyennant une autre promesse par serment qui s’appelle Orphede. Cet Orphede signifie, comme il est dit, article 23 suivant, que le prisonnier promette et jure qu’il ne se vangera point, ni ne fera mal à personne directement ou indirectement, soit à l’officier, aux échevins ou à quelqu’autre particulier pour raison de ce qu’on lui a fait souffrir soit par la prison, par la torture ou autrement, et que, si l’on le trouve avoir fait le contraire, il sera puni tout comme s’il était convaincu du crime dont il a été accusé » [Dépêche du Conseiller-Mambour de Gueldre à Charles de Lorraine, du 5 juin 1766, Registre du Cons. de Gueldre, n° 56, fos 98-101].
  2. « Carolus Bilheus, vir clarissimus, mihi narravit hominem vicies sævæ quæstioni subditum » [Del Rio, Disquis. magic, liv. V, chap. IV, sect. IX, p. 763]. — « Quod, si nec poterit ad terrorem vel etiam ad veritatem induci, tunc pro secunda aut tertia die quæstionandum ad continuandum tormenta, non ad iterandum, quia iterari non debent, nisi nova supærvenissent indicia, feretur coram eo sententia in modum qui sequitur. Et nos prafati ludex, ut suprà, assignamus tibi tali, diem talem, ad quæstiones continuandum, ut a tuo ore proprio veritas audiatur » [Sprenger, Malleus Maleficarum, pars III, quæst. XIII, p. 513, éd. de Francfort de 1580].
  3. « Nous défendons à tous nos baillis, sénéchaux et juges ou leurs lieutenants qu’ils ne procèdent à réitérer de nouveau la question ou torture au dit prisonnier sans nouveaux indices. »