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L’accusé, livré aux tortionnaires, avoue, nie, ou garde le silence. S’il avoue, nous l’avons dit, le bourreau s’arrête ; le greffier note les aveux circonstanciés, l’accusé et les assistants signent le procès-verbal. Toutefois ceci ne forme pas encore une preuve légale. Pour que cette preuve existe, il faut que l’accusé répète sa confession librement, hors de la chambre de torture[1]. C’est un point universellement admis par les criminalistes, que l’aveu arraché par les tourments ne constitue pas une preuve suffisante[2]. En France, cette confession libre avait lieu immédiatement après la torture[3]. Dans nos provinces, les ordonnances prescrivent de laisser entre les deux

  1. Nous devons signaler cependant deux exceptions : l’Échevinage de Tirlemont, contrairement à la tradition universelle, se contente de l’aveu arraché par les bourreaux : « Le maïeur peut faire exécuter le délinquant sans devoir au préalable le conduire hors de la prison et lui faire avouer ce qu’il a confessé dans la torture » [Coutume de Tirlemont, éd. Casier, t. I, p. 699]. — À Anvers, nous voyons une disposition analogue quand il s’agit de crimes particulièrement graves : « Les confessions et aveux qu’un malfaiteur a faits dans le lieu de torture, s’il les fait étant dans une stricte détention ou ailleurs dans le Steen, fût-ce en présence d’échevins, toutes ces confessions ainsi faites par lui ne peuvent ni ne doivent aucunement lui être préjudiciables, à moins qu’il ne comparaisse devant les échevins de la ville hors du Steen, ou hors de la prison, et même hors du Borcht, et fasse ces confessions sous le ciel bleu et hors de toute détention et tous liens de fer, sur le pont du Borcht ; mais les confessions et aveux que le délinquant fait là ainsi, sur le pont devant les échevins, sont réputés et tenus pour véritables et comme complètement prouvés, et sur ceux-ci il est fait droit et justice selon l’exigence de la cause ; excepté en matière d’hérésie, de lèse-majesté, de crimine pessimo, et semblables, lesquels, étant avoués devant les échevins dans la prison, sont tenus pour avoués comme s’ils avaient été faits au dehors sur le pont » [Cout. de la ville d’Anvers, éd. de Longé, p. 111].
  2. Voir Damhoudere, xxxix, 6. — « Confessionis istius fragilitatem nemo negare potest ; ideoque uno consensu tradunt criminalistæ confessionem tormentis extortam fidem exiguam aut nullam mereri, nisi eam reus extra torturam renovaverit et confirmaverit » [Van Espen, Jus ecclesiast. univ., pars III, tit. VIII, chap. III, n° 36]. — « Quantum ad fidem, ex neque semper, neque nunquam confessio habenda : est enim tortura res fragilis et quæ veritatem fallat. Si tamen confessio rei cum aliis argumentis et indiciis concurrat, reus perinde ac probato crimine condemnari potest : imprimis si et mens, et sermonis constantia, et existimatio aliqua rei accedat et remoto eculeo perseveret in eadem confessione reus quam fidiculæ extorserant. Cujus rei explorandæ gratia non male fori usus horas XXIV définit, quibus elapsis, confessio tormentis expressa reo prælegatur, rogeturque an in ea perseveret. Si persisterit, condemnari potest » [Matthaeus, xlviii, 16, 11, p. 720].
  3. Voir Jousse, t. II, p. 195.