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par le Grand Conseil de Malines à subir la torture le 19 octobre 1724[1]. Nous y lisons que « les commissaires fairont continuer la torture ordinaire et extraordinaire selon les forces du prisonnier et par avis des médecins et chirurgiens y présents. En cas que ledit prisonnier vient à tomber en foiblesse, il dut être oté de la torture, les commissaires l’ordonneront ainsi et fairont réappliquer lorsqu’il aura repris ses forces selon le même avis ».

Il arrive que les médecins font preuve de peu d’humanité. Au cours de la question subie par ce même Romule Ackerini, on constate que le malheureux souffre d’une hernie ; on ne le détache pas de la sellette pour si peu ! « Le » chirurgien lui a mis des bandages à huit heures et demi ; malgrez quoy il a continué à trembler. Pendant qu’on luy mettoit les bandages, nous avons » remarqué qu’il grinçoit des dents, vraysemblablement à cause des douleurs que la descente (hernie) luy causoit[2] ». Et cela continue depuis 8 ½ heures du matin jusqu’à 3 heures de relevée[3] ! Du reste, l’avis du médecin n’est pas toujours suivi par le juge. Le 22 juin 1739, Simon L…, accusé d’assassinat, est appliqué à la question par arrêt du Conseil de Namur ; « il tomba, nous dit le procès-verbal, dans une espèce de foiblesse ou engourdissement qui le rendoit insensible ; les médecin et chirurgien pensionnairs de la ville conseillèrent de différer l’exécution de la dite sentence et de la remettre à un autre jour, et le maître des hautes œuvres conseilla de même ». La majorité du Conseil fut d’avis que « cette foiblesse et engourdissement étoient procurées par quelques potions que Simon L… auroit pris, plustot qu’occasionnées par les douleurs ». En conséquence, on réitère la torture, et, « étant le prisonnier de nouveau tiré à plusieurs degrés sans pouvoir plus, pour ainsy dire, se plaindre, ni proférer une

  1. Grand Conseil de Malines, office fiscal, n° 175 de l’inventaire, liasse 38. Voir pièces justificatives I.
  2. Procès-verbal de la torture de Romule Ackerini, Ibid. Voir pièces justificatives II.
  3. Voir un exemple d’instruction de ce genre au Parlement de Paris, le 18 juillet 1697, dans Serpillon, Code criminel, p. 930, reproduit dans l’intéressante brochure de P. Heuse, Nos vieux livres de droit, p. 25. — En France, si le médecin déclare que l’accusé est hors d’état de souffrir la question par l’eau ou par l’extension, à cause d’une hernie ou de quelque autre infirmité, le juge doit ordonner que la question soit donnée par les brodequins. Voir Jousse, Traité de la justice criminelle, t. II, p. 493 [éd. de 1771].