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d’entre eux dont il espère obtenir le plus facilement un aveu[1]. Lorsqu’il cherche à provoquer la délation des complices, il lui est interdit de citer les noms des suspects que l’accusé pourrait alors dénoncer par une simple affirmation dénuée de preuves[2]. Le juge possède un pouvoir discrétionnaire pour renforcer ou adoucir les tourments. D’habitude, quand l’accusé entre dans la voie des aveux, on ralentit les épreuves sans toutefois les suspendre entièrement[3]. Il n’est détaché de la sellette qu’après une confession entière. À Malines, le 11 août 1723, Rombaut L…, accusé d’avoir pris

  1. « Et si un grand nombre de personnes devaient être mises au ban et torturées pour quelque méfait, on doit toujours commencer par celles qui ont le plus de crainte et sont les plus pusillanimes ou les plus faibles, telles que les plus jeunes d’âge, ou les femmes, ou celles par qui les autres seraient les plus engagées ou mues à confesser la vérité, telles que le père par la torture de son enfant, ou bien celles contre lesquelles il y a le plus de présomptions ou d’indices » [Art. 23 de la Coutume d’Anvers, éd. de Longé, p. 801]. — Voir aussi Thielen, Forme et manière de procéder au criminel, p. 182. — Dopler conseille de commencer par celui qui a la plus « böse physionomy » [Theatr. pænar., p. 267].
  2. Van Heemskerk [Bat. Arcad., pp. 515 et suiv.] dit que beaucoup de juges des tribunaux subalternes commettent cette faute déjà prohibée par le droit romain. Il rappelle d’après Christijn [Cout. de Malines, art. 7, n° 9] qu’à Malines une bande d’incendiaires avait dénoncé comme complice un sergent de police de la ville. Au moment de marcher au supplice, ils se rétractèrent. Quand on leur demanda pourquoi ils avaient faussement accusé ce malheureux, ils répondirent que cela provenait de ce que, durant la torture, le juge leur avait demandé si le sergent n’était pas de leur bande.
  3. « Lorsque le prisonnier est appliqué à la question, s’il semble vouloir avouer quelque chose, les juges peuvent faire diminuer un peu les tourments, sans cependant le faire descendre de la torture, en faisant écrire tout ce que le prisonnier dit, mot pour mot, sans aucun changement » [Style de Liége, article 12, p. 78]. — « On prend cette précaution, dit Wijnants, afin de pouvoir autant plus facilement discerner dans la suite, si le dire du prisonnier se rapporte et convient avec celui des témoins, ou s’il y a des contradictions. Car le prisonnier se sert souvent de cette ruse pour faire cesser la torture. Le nommé S…, faux monnoyeur, tâcha de m’amuser ainsi que mon collègue. Il avoua le crime, mais il y ajouta tant de fausses circonstances, que nous le convainquîmes sur le champ de mensonge, et ainsi nous laissâmes continuer la torture, ayant néanmoins tenu note de tout au procès verbal. Après quoi, s’étant aperçu que sa ruse n’avoit porté coup, il persista en son aveu et nous dit la chose telle qu’elle était avec des circonstances qui se rapportoient entièrement au dire des témoins et aux pièces et outils servant à la preuve. Mais aijant demandé, après l’aveu, qu’on l’eut oté de la sellette, cela lui fut refusé jusques à ce qu’on eut eu le loisir de rédiger les responces en écrit, après quoy on le fit oter » [Rem, sur les Ord. du Cons. de Brabant, t. II, p. 376].