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des parjures inévitables en plaçant les accusés entre leur conscience et leur intérêt[1].

Lecture des incriminations ayant été faite, l’interrogatoire commence[2]. Il est recommandé au juge de procéder par questions générales, en se gardant bien de dicter indirectement les réponses[3] ou de recourir à des menaces ; il doit au contraire user de persuasion et faire comprendre à l’accusé que, faute d’avouer, il va s’exposer à de cruelles souffrances[4]. Le juge peut licitement provoquer un aveu par la ruse : « Judex pro eruenda veritate delicti a reo potest uti simulationibus et fictionibus, uti blandis verbis ; non tamen potest uti falsitatibus et mendaciis[5] ». Si ses exhortations sont demeurées vaines, il ordonne au bourreau de faire son office[6]. Il interroge lui-même le patient pendant les opérations ; il ne doit pas se laisser émouvoir par les cris et les lamentations de la victime. Lorsque plusieurs individus sont sur la sellette, le juge s’adresse d’abord à celui

  1. « Il est vrai que le serment, qui a aussi lieu en France, puisse parfois étonner l’accusé, faire voir dans lui une contenance embarrassante, s’il est coupable ; mais la loi du pais y étant contraire, il paroit préférable de s’y tenir, d’autant, entre autres raisons, que ce n’est pas le serment de l’accusé qui le fera absoudre s’il est innocent ; s’il ne l’est pas, l’alternative paroit dure de devoir condamner lui-même son corps ou son âme ; celle-ci presque toujours sera sacrifiée, et le public n’en a ni vengeance ni utilité »[Reg. 51 du Cons. de Gueldre, fo 103, aux Archives générales du royaume].
  2. À Liége, on prépare l’accusé à subir la torture en entretenant dans son cachot un feu ardent, et en le laissant vingt-quatre heures sans boire ni manger [Style de procéder en mat. crim. au pays de Liége, p. 75].
  3. Quelquefois l’accusé, succombant à la souffrance, demande qu’on lui dicte ce qu’il doit dire pour être délié : « Il nous a demandé de vouloir luy dire ou indiquer ce qu’on veut qu’il avoue, à quoy on lui a répondu qu’il devoit lui-même dire la vérité de sa propre bouche et déclarer ce que sa propre conscience lui dictoit » [Procès A… Gr. Cons. de Malines, office fiscal, n° 175 de l’inv., liasse 38].
  4. « Na dat de beschuldighde ter Pijnbanck gebracht is geweest, soo moet de Rechter hem minlijck ende vriendelijck vermanen dat hij de bloote waerheydt eenvoudelijck verklare, ende dat hij door geen hertneckige ontkentenisse soo sware tormenten als hij daer toebereydet siet, niet en wil lijden » [Heemskerk, Batavische Arcadia, p. 527].
  5. Farinacius, Praxis et theor. crim., de reo coufesso et convicto, quœst. 81, nos 304 à 309, t. III, pp. 45-47.
  6. Le juge doit aussi s’assurer que le patient est à jeun.